L'enfer
de glace " Brumeux le matin, vent violent, pluie et brouillard l'après-midi. " Au passage d'un gué, accroché à une petite cahute, le bulletin météo se montre peu engageant. Nous partons au point du jour pour le sommet, avec pour tout équipement un piolet, une paire de crampons, sans oublier la boussole. Nous empruntons les premiers lacets de la voie normale, avant de nous en séparer à l'approche d'un loch sombre. Pour atteindre le début de l'arête, nous coupons à travers les fondrières, la tourbe. Le ciel est encore dégagé, mais les rafales deviennent violentes. Quelques dizaines de mètres plus loin, l'arête se perd dans une enveloppe de nuages où nous pénétrons timidement. Tout semble alors profondément calme, immobile. De tous côtés, l'uniformité. Rien que la sensation exaltante de la solitude. Le vertige s'est dissipé dans le lit de ouate grise qui borde les falaises et, curieusement, le froid a disparu. Nous suivons le fil caché là-dessous, qu'il nous faut découvrir à chaque pas. Le temps défile sans que l'on s'en aperçoive. |
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Nous sommes partis depuis cinq heures et au moment où nous sortons carte et boussole pour un dernier point, le brouillard se déchire et glisse au-dessus de nos têtes, laissant apparaître le sommet pour la première fois, sublime sous un ciel bleu. Une dernière pentede neige nous en sépare encore. Les conditions sont bonnes, nous la franchissons rapidement. Bientôt, plus rien n'arrête la vue. On aperçoit au loin la plaine tragique des Glencoe, l'arête du Diable, l'océan et, surtout, la Face nord qui plonge dramatiquement dans l'abîme. Quelques minutes de contemplation suffisent à notre bonheur. Le brouillard est déjà revenu. |
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Un
mois plus tard, je tombai sur ce poème de John Keats, l'un des maîtres de la poésie romantique anglaise. Il attégnit le sommet du Nevis en août 1818, s'assit sur
une pierre et écrivit ces vers :
"
Au sommet du Nevis, aveuglé par la brume, je scrute l'abîme voilé par un linceul vaporeux
;
Voilà bien tout ce que les hommes savent de l'Enfer
"
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Ben
Nevis, le prince des nuées
Texte
: Michel Tendil / Photos : Stéphane le Bourhis
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