La plus vieille montagne du monde
Autrefois, l'Ecosse s'appelait l'Alba, le pays des collines blanches. De là le surnom de Perfide Albion dévolu à la Grande-Bretagne. Et avec sa couche d'albâtre éternelle, le Ben Nevis évoque pour nous l'Albatros, prince des nuées. D'ailleurs, curieusement, l'étymologie du Ben Nevis signifierait, dans l'une des nombreuses traductions qui lui ont été données, la " tête dans les nuages ". Latin et gaélique se rejoignent ici mystérieusement.
Voûté sous le poids de 350 millions d'années, le Ben Nevis est l'une des plus vieilles montagnes du monde. Entouré de lochs et de firths (fjords), il a conservé intactes les traces de plusieurs glaciations. Sa forme est étrange : une carapace arrondie coupée net par le travail des glaces. La célèbre Face nord. L'érosion y a taillé dans les roches cristallines une série de parois et de couloirs abrupts dont certains atteignent les 500 mètres. Pourtant, avec ses 1343 mètres, le Ben Nevis pourrait faire figure de lilliputien par rapport à nos sommets alpins. Mais on est quelques degrés à peine au sud du cercle arctique. Et c'est cette autre traduction de Ben Nevis que l'on retient généralement : " Effroyable ".

La première ascension du Ben Nevis n'a cependant rien d'héroïque. Elle est le fait d'un botaniste, James Robertson, qui, en 1771, s'en alla cueillir des plantes rares pour le compte du College Museum of Edinburgh. L'histoire alpine du Ben commence véritablement avec le grand Whymper. Avant de devenir " l'homme du Cervin ", il s'y essuiera les semelles, signant là quelques ascensions célèbres. En 1906, ce sera au tour d'Harold Raeburn de s'illustrer. Cette année-là, le futur leader de l'expédition britannique à l'Everest en 1921, marque définitivement son empreinte sur Green Gully, avec une ascension " trop en avance sur son temps ", notait admiratif, le glaiciairiste français Godefroy Perroux.
Il s'aventurera dans des passages à 80°, sans crampons, en se contentant de tailler des marches. A partir des années trente, tous les regards se tournent sur les pentes de neiges et de glace du Nevis. Et en 1959 les deux dernières difficultés, le Zero et le Point Five Gully, sont vaincues à leur tour. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Dans les années 70, c'est encore ici que naîtra la pratique de la cascade de glace puis du mixte extrême. Ainsi s'est forgé sur le Ben l'un des styles les plus purs et les plus audacieux de l'alpinisme, un style qui ne s'encombre pas de pitons, le fameux " Style écossais ".
Ben Nevis, le prince des nuées
Texte : Michel Tendil / Photos : Stéphane le Bourhis