Deux Demoiselles Aventurières, Amélie et Betsy - sans oublier la troisième, la chienne Gaia - sont allées au bout de leur rêve : partir de France avec un Combi Split de 1964 jusqu'aux îles Lofoten en Norvège au-dessus du cercle polaire arctique. Leur but : gravir des parois légendaires...

Une interview exclusive pour Montagnes Reportages
Crédit photos : Les Demoiselles Aventurières

Montagnes Reportages : Amélie, présente nous ces deux Demoiselles Aventurières…

Amélie Rousselet : Les Demoiselles Aventurières sont nées au pied d’une voie d’escalade, une rencontre peu commune !

En ce qui me concerne, je suis « La demoiselle qui ne s’arrête jamais ! », toujours en action. Je suis partie très jeune visiter les quatre coins du globe. Attirée par les grands espaces, j’aime l’aventure et vivre en pleine nature. J’ai grandi dans les Alpes et je suis passionnée par la montagne, le froid et les sports extrêmes. J’aime m’évader à travers l’escalade, partir à l’improviste, explorer le monde, vivre chaque instant comme si c'était le dernier. Attirée par les challenges de la vie, je suis prête à tenter l’impossible pour atteindre mes objectifs.

Betsy [Kielpinski] est « La demoiselle qui va plus loin que l’impossible ! ». Elle a trouvé dans les montagnes un repère, un lieu pour s’épanouir. Elle pratique l’escalade, l’alpinisme, la randonnée et le kayak. Plus elle pratique, plus elle a l’envie de se surpasser !
En soi, c'est une demoiselle pleine d’énergie qui aime la vie, qui aime rire et profiter de tous ces bons moments que peuvent procurer la nature, les voyages et les différentes rencontres.

Il y a aussi une troisième Demoiselle Aventurière et pas des moindres…

Oui, Gaia ! Une chienne exceptionnelle ! Avide de sensations fortes, Gaia est toujours là au cœur de l’action. Elle est née en Corse et a déjà visité une bonne partie de l’Europe. Avec son caractère de malinois, elle a la force et la précision. Elle aime la vie et dégage en elle une force qui vous pousse à aller toujours plus haut, toujours plus loin !

Quels sont vos parcours respectifs en escalade, montagne…?

Je me souviens qu’un ami de ma mère m'avait emmené escalader une petite voie à Val Thorens, là où j'ai grandi, je devais avoir six ans. Une sensation de hauteur et de liberté s'est développée ce jour-là ! Ma mère m'a inscrite au mur d'Albertville quand j’avais neuf ans. La passion était née, l'envie d'aller toujours plus haut, toujours plus loin a conduit ma curiosité à grimper en extérieur puis à initier mes proches pour pouvoir pratiquer toujours plus.

Puis les voyages sont devenus mon passe-temps favori. J'ai découvert de nombreux spots comme le Grand Chief au Canada, les Blue Mountains en Australie ou encore le superbe spot de Krabi en Thaïlande.

L'amour pour les cordes est resté, j'ai fini par ne plus douter et je me suis lancée. J'ai tenté la compétition, les métiers de cordes et aujourd'hui je m'apprête à passer le DE escalade en milieu naturel. Comme quoi il n'y a pas de hasard !

Betsy a commencé à faire de l'escalade il y a peine trois ans. Ça lui a tout de suite plu et elle a donc voulu passer le test d'entrée pour le DE afin d'entamer la longue liste de courses qui lui a donné un peu d’expérience. Aujourd’hui, elle a envie d'aller plus loin dans ses projets et en faire son métier en plus de son activité de pisteur l'hiver. C'est un bon compromis.

Comment est né ce projet de voyage aux îles Lofoten ?

L'envie d'allier toutes mes passions : l'escalade, les voyages, le froid et les véhicules anciens. Je voulais partir en solo en Vespa mais elle n'était pas prête pour que je puisse emmener Gaia. Il fallait la transformer en side-car ce qui aurait pris un peu de temps. Le Combi était presque prêt, il lui manquait 40 heures de préparation. J'ai dit : « Il sera prêt ! ». Cette idée de savoir que les journées là-bas durent 24 heures m'a fasciné, moi qui court toujours après le temps à cause des journées trop courtes ! Et grimper au-dessus du cercle arctique des fissures de granit non équipées au-dessus de l'eau turquoise,... la question ne se posait plus et le décompte a commencé.

Quel était le concept de cette aventure ?

Le concept était de parcourir ce périple avec un Combi de 1964, ce qui représentait 8000 km. Finalement avec les détours, on a parcouru 10 000 km. Ça a été un challenge pour arriver jusqu'au bout ! Puis l'objectif final a été d'atteindre les îles Lofoten et de gravir des voies légendaires ainsi que les voies les plus vertigineuses du secteur. Au fur et à mesure de nos rencontres sur place, nos objectifs sont devenus des rêves comme ces voies de 1100 m à Romsdal.

Aviez-vous des objectifs d’escalade ?

L'idée de partir s'est déroulée tellement vite entre la recherche de sponsors, la communication et les préparatifs que nous avons commencé à feuilleter le topo seulement sur la route. Mais tout n'était pas dans le topo car la Norvège regorge de spots d'escalades mythiques et incontournables. En France, on n’en parle pas encore trop.

Quels sont les types de rochers et de voies que l’on trouve aux Lofoten ?

Les Lofoten en trois mots à retenir c'est : fissures, dülfer et anthologie. Sur un magnifique granit on trouve des fissures de 55 m voir 100 m non-stop allant jusqu'au coinceur n°6. Nous avons utilisé que le n°4 mais c'est déjà impressionnant de le poser, de grimper parfois qu'avec les deux plus gros et progresser ainsi sur les voies. C'est dément !

Avez-vous croisé des grimpeurs sur place aux Lofoten ?

A peine arrivées sur le spot d'escalade du côté d'Henningsvær, nous avons rencontré deux nanas avec qui nous avons bien sympathisé. Puis de jour en jour, le groupe s'est agrandi. Nous avons fait la connaissance des guides locaux vraiment chaleureux et forts grimpeurs comme Martin Skaar Olslund. Le soir au coin du feu, on se retrouvait pour déguster le poisson que nous pêchions et discuter des voies du lendemain. Belle ambiance !

Quels ont été les plus forts moments et les pires de cette aventure ?

Commençons par le pire mais aussi le plus fort. L'ascension du Stetind sur 24 heures, avec 905 m d'escalade non équipée que nous avons faits intégralement sur coinceurs. Nous avons passé plus de 17 heures dans la voie. Il y a eu des moments durs, voire très durs de fatigue mais aussi des doutes. Est-ce que c'était là où là-bas ? Il y avait des fissures partout, une multitude d'itinéraires et pourtant il n’y avait qu'une seule voie sur la face ouest du Stetind, Vestveggen/Vestegge.

Je cherchais, je cherchais mais je n’étais pas certaine que ça soit le bon itinéraire. Betsy fatiguait, moi aussi et Gaia attendait au Combi. Heureusement, la nuit ne tombait pas. Ça a été une ascension extraordinaire devenue à ce moment la plus émotionnelle du voyage, non pas quand nous sommes arrivées au sommet mais plutôt lors du retour au Combi à 7 h du matin ! Nous avions laissé Gaia la veille à la même heure.

Nos jambes étaient molles, nos regards étaient vitreux, nous étions à la limite de la conscience mais nous étions ravies !

Gaia a été kidnappée en Allemagne. Ça a dû être un sacré choc ?

Nous étions du côté du lac Titisee en Allemagne peu de jours après notre départ. Nous nous sommes arrêtées dans un endroit paisible et pourtant très touristique. Nous étions donc près du lac quand Gaia a disparu. Nous l'avons cherché pendant 3 jours non-stop au point de mettre partout des affiches d'avis de recherche. Les autorités étaient prévenues et il n'y avait plus qu'à espérer !

La police m'a appelé à 22 h alors que nous avions repris la route sans espoir. Elle m’a annoncé que Gaia avait été vue dans une petite ville à 6 km de l’endroit où elle avait disparue. Une dame l'aurait « kidnappé » ! Connue de leurs services, elle aurait perdu son chien il y a dix ans et ne s'en serait pas remise... c’était donc un espoir ! Escortées par la police à la première heure, nous avions fait 180 km en arrière pour aller jusqu'à l’habitation de cette dame. La police était devant son entrée. Ils parlaient évidemment allemand je n’ai pas tout compris, j'étais tétanisée. J'ai juste pu dire : « Give me my dog ! ».
Gaia est sortie saine et sauve après quelques minutes de négociation. Ses yeux étaient bien pâles et son collier était d'une autre couleur, mais elle était de retour pour continuer l'aventure !

Vous avez filmé votre aventure ?

Un film de 26 minutes est en préparation et sera diffusé dans divers événements comme Montagne en Scène, le Grand Bivouac d’Albertville 2016, le festival du Bout du Monde. Toutes les images ont été filmées par nos soins et j'espère que le rendu plaira au grand public.

En attendant, ce film est important car il sera la promotion pour pouvoir vendre notre livre afin de pouvoir repartir sur une prochaine expédition. Même si les gens vont beaucoup sur internet et lisent peut-être moins de livres, je souhaite aller au bout du projet et réaliser ce livre car les écrits restent et un beau livre à toujours sa place. Il y aura 112 pages de belles photographies en noir et blanc et en couleurs avec quelques récits inédits. Si vous voulez que les Demoiselles repartent, c'est le moment de commander le livre !

Où grimpez-vous généralement en France ?

Nous aimons toutes les deux varier les endroits, les styles et les rochers. Du célèbre Verdon au grand cirque d'Archiane en passant par les Tenailles de Montbrison ou encore les gouttes d'eaux de Tour Termier,... de la dalle aux renfougnes, la diversité nous plait. Mais les spots à l'étranger restent vraiment superbes comme à Final Ligure en Italie ou encore les Montanejos en Espagne... J'adore !

Avez-vous d’autres projets ?

Des projets, ce n’est pas ça qui manque, au contraire ! Avec les bénéfices du livre, les Demoiselles Aventurières espèrent pouvoir repartir à l'aventure dès l'année prochaine pour aller jusqu'au Canada grimper le majestueux Lotus Flowers ou encore aller dans l’incontournable Yosemite. Mais si le budget est un peu serré, ce sera certainement les big wall de Romsdal que nous n'avons pas pu grimper à cause de la pluie.

Nos projets d’objectifs restent toujours d'aller sur des spots d'escalades mythiques sans forcément être dans un niveau de 8 ou 9. Nous souhaitons nous faire plaisir et nous rendre sur place d'une manière originale, en Combi, en Vespa ou encore en stop ou canoë...

A peaufiner selon notre imagination d'autant plus que l'inspiration va être au rendez-vous cette année car Betsy et moi sommes dans la même promo pour le DE Escalade, ça promet !

Alors... avec ou sans talons finalement ?

Bonne question ! L'idée était de parler des nanas comme nous qui sont un peu casse-cou, un peu voyageuses et baroudeuses à la fois. Ce genre de nanas qu'on voit toujours en tenue de sport ou en montagne mais personne ne s'imagine qu'avant tout, elle veulent garder leur féminité, leur silhouette de femme et qu’elles ne veulent surtout pas l'oublier !

Alors j'ai nommé ces nanas « Les Demoiselles ». Dans l'histoire, il y a eu des aventurières mais qu’est-ce qu’est vraiment une demoiselle aventurière ? Si on cherche un peu la définition, on voit que cela peut être une grande dame de l'histoire comme Marie Paradis qui a gravi le mont Blanc pour la première fois en 1808. Mais ça peut simplement être une femme qui a le goût du risque tout en gardant son côté « femme » !

Avec ou sans talon a voulu refléter ce contraste de notre profil à la fois aventurières mais avant tout demoiselles... tout explique nos shooting photos en robes et talons.

> Le site web des Demoiselles Aventurières ici

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