Stéphane Menet et Anthony Maurice viennent de publier aux éditions du Belvédère le premier topo d’alpinisme hivernal au Hohneck dans les Vosges. Pleins feux sur le « vosginisme » dans Montagnes Reportages !

Une interview exclusive pour Montagnes Reportages
Crédit photos : Stéphane Menet et Anthony Maurice

Montagnes Reportages : Tu es de Menton dans le sud. Comment t’es-tu retrouvé dans les Vosges ?

Stéphane Menet : Je n’ai pas eu le choix. J’ai eu mon concours pour être enseignant et je me suis retrouvé dans un lycée des Vosges pour enseigner l’allemand suite à une mutation. Je faisais beaucoup de randos dans le Mercantour mais je n’avais jamais eu le temps de pratiquer l’alpinisme car lorsque je me suis vraiment intéressé à la haute montagne je terminais mes études. C’est en arrivant dans les Vosges en 2007 que j’ai découvert avec surprise qu’on pouvait y pratiquer l’alpinisme. Après quelques temps, j’ai contacté le Club Alpin pour ma première sortie car j’étais débutant. Ensuite je me suis rapidement pris de passion pour l’alpinisme.

Comment t’est venue l’idée de créer un topo hivernal sur les Vosges ?

Le massif des Vosges, ce sont des Ballons, des rondeurs sommitales, les Hautes Chaumes qui se prêtent bien à des sorties familiales, mais en hiver on les évite en général. Je me suis donc retrouvé à découvrir le Hohneck, le sommet le plus populaire des Hautes-Vosges et aussi le point culminant de la Lorraine. Au début j’ai fait énormément d’alpinisme tout seul ou avec des amis et chaque hiver, je me disais qu’il y avait quelqu’un qui allait avoir l’idée d’écrire un topo. Je cherchais partout, sur internet mais je ne trouvais absolument rien. Pendant deux ou trois années je faisais donc moi-même mes topos pour les potes et j’ai commencé à publier le topo d’un couloir de neige au Falimont sur le site web Camp to Camp. Puis à un moment, j’en ai eu un peu marre et j’ai commencé à écrire un topo plus sérieusement. J’ai fait connaissance à ce moment-là de mon compagnon de cordée Tony (Anthony Maurice), qui contrairement à moi a découvert l’alpinisme au berceau. Etant plus expérimenté et aguerri que moi, il m’a dit qu’il me montrerait au Hohneck des endroits que je ne connaissais pas. Dans les voies les plus difficiles - même s’il n’y a rien d’extrême ici - il était premier de cordée. Il m’a emmené dans des coins superbes. Du coup, on a réalisé ce travail à deux.

Un petit mot justement sur Anthony Maurice…

Il est savoyard et technicien cordiste. Il a été formé tout jeune à l’alpinisme par son père qui était chasseur alpin. Il connaît vraiment très bien le Hohneck et ses recoins totalement oubliés. C’est toujours un grand moment de plaisir de grimper avec lui. On ne se prend jamais la tête et on s’amuse beaucoup.

Je n’ai pas trouvé le mot «vosginisme» dans le Larousse…

C’est normal car c’est un mot qu’on a inventé. Sur la couverture du topo, on a tout de même écrit le mot alpinisme parce qu’il reste quand même la dénomination officielle. On a utilisé le mot vosginisme dans le topo parce que l’alpinisme dans les Vosges n’est pas une pratique de remplacement ou de substitution aux Alpes. Le vosginisme a une véritable identité et des particularités qui méritaient de se retrouver dans l’appellation de la pratique. Ce n’est pas tout à fait pareil que de pratiquer le vosginisme ou l’alpinisme.

Comment s’est faite la rédaction du topo ?

On a travaillé d’une manière extrêmement complémentaire avec Tony qui gardait plutôt un œil sur les textes que j’écrivais car il a fait les itinéraires plus souvent que moi. On voulait faire un topo-guide qui ne soit pas aussi austère qu’un topo normal avec quelques lignes et après, débrouillez-vous ! On souhaitait rassembler le maximum d’anecdotes et appréciations personnelles autour des itinéraires. On présente une sélection de 34 itinéraires car c’était impossible de concevoir un topo complet du Hohneck. Pour chaque itinéraire, il y a donc des commentaires et une vision subjective. Je voulais aussi donner une identité « bande de potes » à ce topo, et c’est pour cette raison qu’il y a beaucoup de photos de copains avec leurs noms. Il y a aussi quelque chose de problématique par rapport à un topo-guide sur les Vosges du fait que ce ne sont évidemment pas les Alpes, il n’y aura jamais l’engagement, mais les mêmes risques sont présents.

A qui s’adresse-t-il ?

Aux débutants qui sont encadrés par un adulte autonome, un guide ou un club alpin ainsi qu’à ceux qui sont déjà autonomes et aguerris. Les voies sont comprises entre F (facile) et D (difficile). Il n’y a aucune voie à la difficulté supérieure. La plupart des itinéraires peuvent être aussi utilisés par les skieurs que beaucoup d’entre-eux connaissent déjà bien. Ce n’est d’ailleurs pas rare de remonter un couloir et de croiser un free rider.

Quelle est la voie la plus difficile répertoriée dans le topo ?

Il y a un secteur dans lequel on n'a présenté qu’une seule voie, l’éperon sud du Hohneck. C’est vraiment paumatoire et c’était assez complexe de répertorier une voie normale. Avec Tony, on l’a proposé dans le guide et on l’a côtée AD+. Mais il y a de quoi faire des voies plus difficiles en louvoyant entre les rochers. Si on veut vraiment quelque chose de difficile, il y a l’arête des Spitzkoepfe. En hiver et par fort enneigement, ça peut être bien crevant.

Que sait-on des premiers ascensionnistes au Hohneck ?

On ne sait pas qui ils sont mais on imagine que les habitants de la montagne, les marcaires, les chasseurs alpins... ont été les premiers à remonter les couloirs. C’est donc vraiment impossible de dater précisément les premières ascensions qui plus est, l’identité de ces ascensionnistes. On trouve énormément de cartes postales en noir et blanc d’alpinistes pendant la période d’entre-deux-guerres. Certaines cartes prouvent qu’il y a cent ans voire plus, l’escalade et l’alpinisme hivernal étaient déjà pratiqués dans les Vosges. De manière vraiment populaire, le Hohneck était très fréquenté durant les années 70. Aujourd’hui, il regroupe une grosse partie des alpinistes hivernaux dans les Vosges alors qu’il y a cinquante ans, les alpinistes allaient aussi au Tanet. Sur l’histoire du Hohneck, j’ai demandé à un ami enseignant passionné par l’histoire de rédiger un chapitre à ce sujet.

Tu ne crains pas après la sortie du topo de voir débarquer des cars entiers de japonais ?

(Rires) Ça serait génial ! Ce qui est sûr, c’est que ce topo va donner une nouvelle vision - pour ceux qui s’y intéressent bien sûr - de la montagne vosgienne hivernale du Hohneck. Mais franchement, je doute que quelqu’un qui n’ait jamais pratiqué l’alpinisme se dise en découvrant ce topo : « Ah, chouette... l’alpinisme hivernal existe dans les Vosges ! Je vais m’équiper de crampons et piolets et y aller ». Je pense que c’est inconcevable que quelqu’un découvre l’alpinisme tout seul par ce livre. Ça ne changera en tout cas rien dans la fréquentation du massif.

La météo ici est très particulière ?

Oui et il faut s’attendre au pire. Le dernier hiver n’était pas très représentatif de ce qu’on peut y connaître. Ça m’est arrivé à plusieurs reprises de me retrouver pour les besoins du topo dans un couloir où il faisait -15° sur le thermomètre avec un vent à 50-60 km/h. On se retrouve vite complètement gelé. Quand on pratique l’alpinisme au Hohneck, il faut accepter d’être dans des conditions météo parfois terribles. Ici il ne faut rien sous-estimer, ni la météo ni les risques objectifs comme les fréquents effondrements de corniches. Il y a des avalanches pratiquement toutes les années dans les Vosges mais les médias refusent le terme d’avalanche et parlent de « coulée de neige ». C’est certainement dû au fait que dans les Vosges, il n’y a pas de bulletin des risques d’avalanches (BRA). Les couloirs du Hohneck atteignent une inclinaison grosso modo entre 35° au départ et 50° à l’arrivée, ce qui correspond au risque d’avalanche le plus important. Il me semble que la pente moyenne pour une avalanche est de 38°. On est donc en plein dedans.

A la fin du topo, tu écris : « Dans les Vosges, on n’a pas de sommets, mais on a des montagnes ».

(Rires) Ici, on fait des couloirs mais on va rarement jusqu’au sommet du Hohneck. Il y a une longue pente que tu n’as pas envie de remonter et à la fin il y a un hôtel qui gâche un peu tout. Mais il y a vraiment des supers itinéraires d’alpinisme qui ne sont pas très longs, et on peut en accumuler trois ou quatre dans une journée. Du coup les sommets, on n’y va pas et ils n’ont évidemment pas l’envergure des sommets alpins.

Quel est ton secteur préféré au Hohneck ?

Le couloir que j’affectionne particulièrement est celui du Petit Dagobert. On le voit depuis le replat du Frankenthal. D’en-bas, il est assez impressionnant mais il est moins avalancheux que les autres. C’est aussi le plus long. Ça monte jusqu’à un bon 45° et à la fin et tu as une vue magnifique. Pour les débutants, on trouve des arbres sur le côté droit pour faire des relais. Mon père m’a demandé il n’y a pas longtemps de lui faire découvrir l’alpinisme dans les Vosges, et c'est dans ce couloir que je l'ai emmené pour son baptême d'alpinisme à 65 ans.

Où peut-on acheter le topo ?

Pour l’instant, on le trouve uniquement par la vente en ligne sur internet mais j’espère que ça sera rapidement disponible dans les librairies du Grand Est.

Il y a un peu de neige actuellement au Hohneck ?

Non. C’est encore tout marron mais on l’attend impatiemment !

> Le blog de Stéphane Menet ici

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