Estelle Dall'Agnol se passionne autant pour la montagne que pour ses études. Monitrice d'escalade, grimpeuse, alpiniste, Estelle se remet doucement d'une grave blessure à la cheville l'année dernière.

Une interview exclusive pour Montagnes Reportages
Crédit photos : Estelle Dall'Agnol

Montagnes Reportages : Comment es-tu venue à la montagne ?

Estelle Dall'Agnol : Je suis née en Alsace mais j’y ai vécu seulement trois ans. Mon papa étudiait là-bas. Il faisait de l’escalade et de l’alpinisme. J’étais dans le berceau au pied des falaises et c’est lui qui m’a transmis sa passion.


Tu as continué par la suite à faire de la montagne en famille ?

Je faisais beaucoup de randonnées avec mes parents et on partait tout le temps au ski pendant nos vacances. Ils m’avaient fait un système où je montais avec des skis d’approche, puis en haut je changeais de chaussures pour prendre des skis de pistes. J’ai fait beaucoup de dénivelés comme ça, j’aimais beaucoup ça. J’ai commencé à grimper à l’âge de cinq ou six ans tous les week-ends en famille à Aix-en-Provence. Par la suite j’ai fait d’autres sports en parallèle et j’ai un peu lâché l’escalade au début de l’adolescence. Je m’y suis remise ensuite vers quinze ou seize ans et je me suis inscrite dans un club sur Aix. C’est à partir de ce moment-là que j’ai fait de la montagne et de l’alpinisme pour moi.

Comment es-tu rentrée dans la sélection du Groupe Excellence Alpinisme National (GEAN) ?

Je faisais partie du groupe Espoir de Nice où j’étais encadrée par Stéphane Benoist. Il encadrait aussi le groupe Excellence donc j’en avais entendu parler par Chloé Graftiaux. Vu que j’avais déjà fait deux sessions au groupe Espoir, c’était donc un peu la suite logique de me diriger vers le groupe Excellence. Lors des tests, il y avait une course à pied de 7 km avec 700 m de dénivelé plus ou moins dans la neige. Il fallait avoir quand même un peu la caisse. On a fait une voie d’escalade à Montdauphin, mais comme je n’aime pas du tout ce secteur, je n’ai pas été brillante. Ensuite on a fait un test en dry glace à Ceillac sur Sombrero. C’était une super expérience.

Quelles sont tes activités actuellement ?

Je suis monitrice d’escalade. J'ai eu mon BEES 1 option escalade et canyon en 2013 mais je travaille seulement un tout petit peu avec parce que je fais des études en parallèle. J’ai passé le CAPES histoire géographie et je viens d’avoir le concours. Je suis maintenant en report de stage, je n’enseignerai pas cette année mais l’année prochaine.

Tu as l’envie d’être un jour guide ?

J’ai toujours eu plus ou moins l’idée d’être guide, mais je n’ai jamais voulu ne faire que ça. J’ai passé le proba l’année dernière mais je me suis gravement blessée en tombant le premier jour. Je me suis fracturée l’astragale à la cheville. J’ai envie de transmettre ce métier parce que j’ai beaucoup appris par Christophe Moulin et les groupes dont j’ai fait partie. Christophe nous a vraiment donné le goût de la montagne, de son partage et de sa transmission. Mais tous les guides des groupes que je connais m’ont toujours dit de ne pas lâcher mes études. Comme j’ai toujours aimé les études, elles restent pour l’instant ma priorité. Mais je sais que je repasserai le proba.

Comment as-tu vécu ton expé en Alaska en 2012 dans le cadre de ces stages ?

J’ai trouvé que c’était une super expérience et j’avais toujours rêvé d’aller dans le Grand Nord. C’était ma première expé en tant qu’ouverture parce que j'étais déjà allée au Québec pour faire de la cascade quand je faisais partie de l’équipe Filles avec la FFME.

As-tu été tentée à faire de la compétition ?

Non parce que j’en ai beaucoup fait dans d’autres sports comme la natation, le vélo - ça s’est d’ailleurs assez mal terminé - le ski et je ne voulais pas entacher ma vie dans l’escalade avec la compétition. J’étais au club de François Legrand qui m’a poussé dans cette direction mais je n’ai jamais été très douée en mur. Ça ne m’intéressait pas forcément de faire de la compète.

Tu pratiques aussi le canyoning ?

Oui mais je ne suis pas une fan. Le BE canyon et escalade font partie du trio à cordes à la base que sont la spéléo, le canyoning et escalade. Je trouve que le canyoning est quand même bien différent de l’escalade. J’aime bien l’eau mais je préfère le rocher (rires). Mais c’est vrai qu’il y a peut être plus de boulot en canyoning qu’en escalade.

Comment expliques-tu l’engouement du canyoning au profit de l’escalade ?

Parce que c’est plus ludique. J’étais en Corse cet été. Les copains bossent là-bas principalement en canyon. Je pense que les gens ont une vision de l’escalade beaucoup plus austère et plus engagée que le canyoning. Mais personnellement je pense que c’est plus engagé d’encadrer en canyoning qu’en escalade.

Tu as un petit noyau d’amis avec qui tu grimpes ?

Non, pas particulièrement. Je grimpe avec des copines qui ont passé le proba mais ce ne sont pas toujours les mêmes personnes. Je n’ai donc pas une cordée attitrée (rires).

Pas trop difficile d’évoluer dans un milieu majoritairement masculin ?

Ça m’a plutôt attiré vers le haut parce que j’ai vu jusqu’où je pouvais aller physiquement et psychiquement alors que lorsque j’étais à la fédé, on ne m’a pas poussé de la même façon. Je ne vais pas cacher que j’ai préféré le group CAF. Christophe Moulin n’y est pas pour rien. Forcément, il y a toujours dans ce milieu-là un petit côté de "protection". Même si je ne suis pas restée très longtemps à l’ENSA, j'ai vu qu'on attend les filles au tournant. Mais il y a quand même une volonté d’ouverture ; ils ont pris au proba cette année six filles. Ça reste malgré tout un milieu très masculin. Je trouve que l’enjeu est justement de faire de la montagne peut-être au féminin. C’est sympa d’aller faire de la montagne avec les garçons mais on n’a peut-être pas la même approche. Je pense qu’à l’ENSA, c’est justement possible de ne pas faire forcément de la montagne au masculin et en sortant les biscotos. Ça demande évidemment de s’entraîner, mais d’un point de vue de l’approche, elle est un peu différente.

Parle-moi justement de ta rencontre avec Christophe Moulin …

Je l’ai rencontré quand j’avais seize ans. Il faisait des stages avec Montagnes de la Terre pour les jeunes de plaine. J’avais donc fait un stage avec lui. Il m’a tout de suite donné confiance en moi et a su croire en moi quand je doutais. Il m’a alors dit que j’avais le niveau pour faire le proba. C’est ce qui m’a permis d’envisager le guide parce que sinon, je pense que je ne l’aurai même pas tenté. C’est lui qui m’a donné le goût de la montagne, de retourner en expé et de remonter des projets plus tard. C’est quelqu’un qui croit en ses jeunes. C’est un très bon coach et il est très généreux.

Où en es-tu dans la guérison de ta blessure ?

Il me faudra au moins six mois pour vraiment me remettre sur pieds. J’ai eu des béquilles jusqu’à mi-octobre de l’année dernière, ensuite il a fallu que je réapprenne à marcher, à courir. Je ne suis pas encore allée trop en montagne car comme j’ai passé le concours, l'année a été très studieuse. Maintenant, je cours, je grimpe de nouveau mais si je cours une heure d’affilée, j’ai vite mal. Je sais que j’aurai toujours des séquelles et je ne sais donc pas trop ce que ça donnera par la suite. Comme j’ai toujours voulu mêler les deux choses que sont l’escalade et les études, je mets un accent plus ou moins sur l’un ou sur l’autre en fonction des années. Cet accident m’a mis un peu du plomb dans l’aile.

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