Francois Matet est guide de haute montagne. Il a sorti récemment un topo-guide Haute Route Chamonix > Zermatt, randonnée glaciaire. Rencontre avec un grand connaisseur de ce mythique itinéraire, suivi d’une interview de François  Damilano qui anime JMEditions avec Françoise Rouxel.

Une interview exclusive pour Montagnes Reportages
Crédit photos : François Matet / François Damilano

Montagnes Reportages : Tu es originaire d’où ?

François Matet : J’habite Sallanches dans la vallée de l’Arve mais je ne suis pas savoyard, je viens de la plaine, de Bourges dans le Berry. Ni mes parents, ni la famille ne faisaient de la montagne. J’ai ensuite vécu longtemps dans les Pyrénées après mes études. Puis pour passer le guide je suis allé à Chamonix et j’y suis resté parce que le style et la variété dans le travail de guide me plaisait bien. C’est pour ça que j’aime bien Chamonix.

Quelle est ton activité professionnelle actuellement ?

Je travaille à plein temps comme guide de haute montagne pour une agence à Chamonix qui s’appelle Stages Expéditions. J’y travaille depuis très longtemps. L’agence s’est entre temps un peu modifiée et étoffée en programmes. J’ai donc voulu m’investir un peu plus qu’avant dans cette agence, en créant entre autres des programmes.

As-tu une activité qui revient le plus parmi celles que tu pratiques ?

Non, je fais vraiment de tout car j’aime bien toutes les activités. J’aime surtout bien varier et me déplace aussi beaucoup ailleurs. J’aime bien aussi le soleil, les falaises du sud et d’ailleurs. En amateur je fais beaucoup d’escalade, en professionnel beaucoup de ski l’hiver et de montagne l’été, le traditionnel du métier de guide.

Comment t’es venue l’idée de créer ce topo-guide Haute Route Chamonix > Zermatt, randonnée glaciaire ?

C’est dû à deux personnes. L’ancien directeur de notre agence était Christophe Raylat. Un jour il a rencontré François Damilano qui avait déjà fait deux tomes sur cette Haute Route ; un tome sur Chamonix Zermatt en randonnée par les sentiers et un autre sur Chamonix Zermatt l’hiver en ski de randonnée. C’est là que Christophe m’a dit que François Damilano cherchait un guide pour faire son nouveau tome de la Haute Route par les glaciers en été. « J’ai pensé à toi, tu devrais le rencontrer », et ainsi de suite... Je suis donc allé voir François, on se connaissait déjà vaguement. Ça m’a rapidement plu de m’investir dans l’écriture sur cette Haute Route puisque que je la faisais de temps en temps depuis de nombreuses années. J'ai mis deux ans à faire ce long travail. Il a fallu faire beaucoup de photos, écrire des textes, décrire les étapes, les itinéraires, les variantes, me documenter pour être sûr de ne pas rater quelque chose. Ce projet est donc dû entre autre à Christophe et ensuite à François et Françoise.

D’où vient ce nom de Haute Route?

Depuis très longtemps, les anglais [entre autres] découvraient et sillonnaient beaucoup les Alpes en essayant de trouver des passages vers les sommets. En janvier 1903, des français ont fait la première traversée à skis de Chamonix à Zermatt. Les anglais ont donc voulu aussi faire ça en été par différents passages et itinéraires. Il leur a fallu trouver un itinéraire pas trop dur passant par des hauts sommets ou des hauts glaciers de haute montagne. Les français l’appellent beaucoup Chamonix Zermatt, alors que les suisses l’appellent uniquement la Haute Route.

Cette Haute Route peut-elle être faite en toute saison ?

Celle que je décris dans mon topo ne se fait que l’été, de juin, voire fin-mai, à septembre début octobre, c’est la Haute Route d’été. Ce n’est pas tout à fait le même itinéraire que celui d’hiver. Cette Haute Route par les cols et les glaciers ne se fait pas forcément bien hors-saison à cause de la fermeture des refuges. On peut bien sûr la faire car il y a les locaux d’hiver mais là, il faut emmener sa nourriture, son réchaud, etc. C’est donc un itinéraire qui se fait beaucoup quand les refuges sont ouverts. Il y a aussi deux, trois variantes avec des niveaux différents selon le niveau technique des personnes.

Justement, faut-il un niveau technique minimum pour la faire ?

Oui tout à fait. Ce n’est pas un niveau très dur techniquement mais ce n’est pas non plus un niveau débutant en alpinisme. Il faut quand même avoir l’expérience de la neige, de la glace, de l’orientation, savoir cramponner, savoir s’encorder, savoir aussi sortir d’une crevasse, ce n’est pas non plus anodin. Début juin les conditions sont toujours impeccables mais plus la saison passe, plus les ponts de neige se fragilisent, il peut aussi faire moins beau, ça devient de plus en plus en glace, et si les pentes sont un peu plus raides, ça change le niveau technique. Donc ce n’est pas pour tout le monde, il y a un petit engagement. Le guide gère tout ça et les personnes gèrent leur côté physique. Et elles sont vite émerveillées en découvrant ce monde des glaciers et des sommets.

Ça représente quotidiennement combien de mètres en dénivelé ?

Il y a des petites et des grandes étapes car il faut se déplacer de refuge en refuge ou de vallée en vallée. On peut faire de 600 à 1200m de montée et 200 à 1400m de descente certaines journées. C’est relativement varié tout le long du parcours.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour la création de ton premier topo-guide ?

Je faisais cette Haute Route depuis longtemps et à l’époque je faisais peu de photos. Comme la spécificité des topo-guides de JMEditions est le tracé sur photo avec un petit peu de texte, il a donc fallu que je me mette à faire les photos de toutes les étapes, de tous les passages caractéristiques, et donc ça m’a pris beaucoup de temps. Il fallait qu’il fasse beau car c’est quand même plus joli d’avoir une photo par ciel bleu que par brouillard ou avec des nuages. J’ai donc dû m’y reprendre de nombreuses fois pour certaines étapes parce que souvent, il y avait quelque chose qui clochait ou qui ne me plaisait pas. Concernant le texte, j’avais déjà bien dans ma tête le fil et le déroulement de ce que je voulais écrire mais il a fallu que je vérifie que de tel col on voyait bien tel ou tel sommet, etc. J’ai aussi fait toutes les étapes avec un GPS. J’avais beaucoup de brouillons et de paperasses à emmener. Je notais s’il me manquait telle ou telle photo et donc pendant deux ans j’y suis allé pendant plusieurs semaines les deux étés derniers. J’ai essayé de faire quelque chose qui soit bien, propre, qui intéresse les gens et qui corresponde bien à la réalité.

Tes propres clients ont donc été tes « cobayes » dans ce projet ?

Exactement. J’ai utilisé mes clients de l’agence. Ils étaient tous ravis de participer à ce topo-guide. Pour une vue de montagne, c’est vrai que c’est quand même parfois plus sympa si on voit des petits groupes ou des gens qui marchent, que de juste voir un paysage nu ou brut. Ça représente bien aussi les passages s’ils sont un peu plus techniques, car on voit comment la personne se comporte. On a illustré ce topo-guide aussi comme ça.

La contemplation et le partage avec ses clients sont indissociables du métier de guide dans ce genre d’itinéraire ?

Oui je pense. Si ce n’est pas trop technique, on a le temps de discuter, de regarder, de s’arrêter, d’échanger des choses, de leur faire découvrir cet univers. Ces personnes qui sont des montagnards simples mais des randonneurs confirmés de bonne forme physique, ne connaissaient pas ce monde et j’ai vu qu’ils étaient ravis. Pour eux, c’est un petit voyage, une aventure, une découverte de la haute montagne, de l’alpinisme et du métier de guide. Voir qu’ils sont contents, qu’ils sourient, qu’ils font des photos est vraiment sympa car ce n’est pas juste une journée en montagne, mais une semaine entière où on a le temps d’approfondir les choses. On partage les refuges, les soirées, puis les photos par courriel ensuite à leur retour chez eux.

Rencontre-t-on beaucoup de personnes sur la Haute Route à cette période de l’été ?

Pas tant que ça en fait. La Haute Route est beaucoup plus connue en hiver par le ski. L’été c’est beaucoup plus calme. Il y a effectivement des groupes qui passent par des guides ou des agences mais il y a très très peu d’amateurs. C’est étonnant d’ailleurs, j’en parlais justement avec un ami récemment. Ce n’est pas le sommet du mont Blanc, ce ne sont pas des grands sommets très faciles, et comme c’est un itinéraire au long cours, peut-être cela fait qu’il y a moins de monde. On va peut-être rencontrer trente, quarante personnes par refuge, on se suit d’ailleurs vu qu’on commence et qu'on finit au même moment pratiquement, mais la montagne est tellement grande que ça s’étale rapidement. C’est aussi sympathique de discuter, de rencontrer d’autres groupes mais c’est finalement plutôt un coin calme cette Haute Route.

Y-a-t-il d’autres itinéraires glaciaires équivalents dans les Alpes ?

Non pas trop. Il y en a d’autres mais cet itinéraire est le plus connu, le plus célèbre et sans aucun doute le plus beau. Il y a d’autres itinéraires d’altitude mais ils ne sont pas dans ce genre-là, avec des traversées de vallées par des sommets et glaciers, de refuge en refuge et en ligne presque droite, c’est pour ça que c’est rare et exceptionnel.

Que porte le randonneur lors du raid ?

Il porte son équipement individuel, piolet, crampons et quand c’est du sentier rocheux ou herbeux, tout ça reste dans le sac. Il porte aussi ses rechanges et son pique-nique de la journée. On n’est ni léger ni trop lourd, une dizaine de kilos quand même. Pour le reste, on se ravitaille de refuge en refuge ou à l’épicerie du coin quand on passe dans un village de vallée.

Quels sont les sujets que tu traites dans ton topo-guide ?

Je ne décris pas juste des itinéraires. Je parle aussi du matériel nécessaire, des variantes, d’un peu d’histoire, des cartes, du matériel d’orientation, je parle d’un tas de choses. J’essaie aussi d’expliquer aux gens ce qu’il va falloir faire ou avoir comme matériel s’ils veulent réaliser cette Haute Route tout seuls. Il y aurait à en dire dix fois plus, mais c’est un topo-guide pour mettre dans la poche ou le sac à dos. Quand j’ai préparé ce livre, j’écrivais comme ça venait et je pouvais en écrire des pages. Après, je me doutais bien qu’il il fallait par la suite réduire pour que ça tienne dans le cadre et la trame précis que François et Françoise m’avait donnés.

Jusqu’à quelle date peut-on faire cette Haute Route d’été ?

Officiellement les refuges ferment souvent fin septembre. Mais dans toutes les cabanes – parce qu’on se trouve plutôt en Suisse – il y a un local d’hiver. On peut effectivement pratiquer un peu plus tard cet itinéraire si on peut se charger un peu plus en nourriture. Il y a souvent des superbes arrière- saisons, et là tout est calme. Il peut reneiger un petit coup mais la montagne ne sera pas plus dangereuse ni plus difficile ou plus délicate. Elle sera différente, c’est tout.

 

 

François Damilano, guide, alpiniste, glaciairiste,… anime JMEditions avec Françoise Rouxel. Il nous explique l'organisation du travail avec l'auteur, la structure d'un tel projet et nous dit tout [ou presque !] sur l'élaboration de ce nouveau topo-guide de cette Haute Route d'été...

 

Montagnes Reportages : Comment s'est concrétisé ton travail avec François Matet ?

François Damilano : Ce qui était intéressant avec François, c’est qu’une fois de plus pour notre maison d’édition, on travaillait avec un auteur pour qui c’était le premier livre, ce qui nous arrive assez souvent. Il faut qu’on arrive à bien faire comprendre à chaque auteur ce qu’on attend de lui en termes d’édition de topos. Mais en même temps il faut qu’on s’adapte à son caractère, à sa manière de travailler et à sa personnalité. C’est toujours ce rapport subtil qu’il faut établir entre l’auteur et l’éditeur. Avec François, ça a été d’une extrême simplicité parce qu’il s’est immergé dans le travail des différents topos qu’on avait déjà publiés. Il est arrivé avec une liste de questions et a vraiment cherché à confronter ce qu’il avait dans la tête avec ce qu’il avait déjà vu, sachant qu’il faisait le troisième opus. Il venait après un travail préparatoire. C’est quelqu’un qui est extrêmement méticuleux, organisé et carré. Le travail avec lui a été très facile et d’une très grande simplicité. Pour nous c’est une grande qualité, et nous étions super contents de le rencontrer. C’est un auteur de topos parfait pour nous.

Quelles ont été tes demandes vis à vis de lui ?

Nous, en termes de structuration du projet puis du travail d’écriture, on est là pour apporter notre patte et notre savoir-faire. Il faut que ça rentre dans un cahier des charges préétabli et très précis. Après il y a des gens qui arrivent plus ou moins à s’adapter à ce travail. L’avantage de François dans son savoir-faire, c’est qu’il avait déjà une expérience de fiches topos, de mises en place de circuits dans le cadre de son travail de guide. Il apporte déjà cette rigueur et ce savoir-faire dans cette collaboration avec Stages Expés et du coup il a appliqué sa méthodologie et sa précision de travail à ce nouveau boulot. Il a surtout compris qu’il fallait y passer beaucoup de temps. Il savait qu’il fallait être extrêmement rigoureux sur la manière de présenter les informations. Dans nos topos, il y a systématiquement une carte, un profil de dénivelé, les commentaires, un tracé sur photo. Il faut absolument que toutes les informations soient homogènes et identiques sur les quatre supports et ça demande effectivement beaucoup de rigueur. François est hyper habitué à ça, il s’est mis dedans et il a fait ce qu’il fallait faire.

Et un gros boulot sur le terrain ?

Oui. Comme il connaissait parfaitement bien le parcours, ça lui a demandé premièrement de s’ouvrir pour construire une différente Haute Route et non pas de présenter uniquement la Haute Route classique vendue par les agences et les professionnels. On voulait une autre manière de la parcourir en termes de durée et de parcours. Et puis c’est surtout que nous sommes assez exigeants sur l’iconographie, de manière à ce qu’on puisse présenter des tracés pas à pas de chaque étape. Donc ça lui a demandé effectivement un gros travail supplémentaire sur le terrain. Il a fallu qu’il fasse des photos différentes de ce qu’il avait l’habitude de faire en terme de « photos souvenirs », et de bien se mettre dans le moule de ce qu’on demandait systématiquement : une photo horizontale, une photo verticale, des plans rapprochés, d’un peu plus loin, aller sur la montagne en face pour pouvoir faire un tracé général, etc. Une fois que c’est dans le bouquin, tout paraît très évident et très simple, mais si un topo paraît justement très évident et très simple, c’est que son écriture est réussie, et ça c’est vraiment notre challenge : que ça soit simple et limpide pour le lecteur qui nous a acheté le produit.

JMEditions a  publié il y a quelques années les deux premiers opus de cette trilogie sur la Haute Route…

Oui. Notre premier titre s’appelle Chamonix > Zermatt randonnée, relier les deux capitales de l’alpinisme par les sentiers. Il a été écrit par François-Eric Cormier qui est un accompagnateur de la compagnie des guides de Chamonix. Il est dans notre collection verte. Ensuite on a édité dans notre collection blanche un second titre qui s’appelle Haute Route Chamonix > Zermatt ski de randonnée. Enfin notre tout petit dernier Haute Route Chamonix > Zermatt, randonnée glaciaire est dans notre collection bleue, c'est en fait notre collection alpinisme dans laquelle on trouve déjà Neige, glace et mixte. Toutes nos collections sont structurées avec des couleurs.

As-tu déjà des petits échos de ce dernier topo-guide sorti début juillet ?

Ce livre était plutôt attendu. Il vient compléter le travail de fond qu’on fait depuis deux ans, sachant qu’il existait sur le marché un certain nombre de titres [entre autres anglo-saxons] dans lesquels les destinations et les pratiques sont mélangées au sein de ce même titre. On y trouve dedans les destinations de randonnées, de ski, les randonnées glaciaires et aussi l’alpinisme. C’est donc compliqué de s’y retouver pour les pratiquants. On s’est posé plein de questions au départ. Qu’est-ce qu’on cherche à faire ? Qu’est-ce qu’on veut expliquer ? A un moment donné ça nous est paru relativement évident qu’il fallait qu’on sépare les pratiques. Les gens s’y retrouvent maintenant et en fonction de ce qu’ils ont envie de faire et de leur pratique, ils savent quel titre prendre. Pratiquer la Haute Route l’été ou l’hiver n’a strictement rien à voir. J’ai eu des réflexions, y compris d’ailleurs dans certains refuges : « Ton titre sur la Haute Route ski de rando, est vachement bien François, il y a même des gens qui s’en servent l’été ! ». Alors ça voulait dire que premièrement, notre titre était apprécié, deuxièmement qu’il manquait quelque chose sur le marché et troisièmement, que tout le monde n’avait pas tout a fait compris qu’on ne passe pas du tout aux mêmes endroits lorsqu’on traverse les glaciers l’été ou l’hiver. C’est surtout que le parcours lui-même de la Haute Route n’est pas découpé de la même manière. Ce n’est pas du tout la même logique que de parcourir la montagne l’hiver en ski de rando ou l’été en randonnée glaciaire. Donc, on ne va pas trouver les mêmes étapes ni les mêmes structurations de raid entre la Haute Route ski de rando et la Haute Route randonnée glaciaire. C’est important de le souligner.

Tu la connais bien cette Haute Route ?

Très franchement je la connais bien moins que les auteurs. Avec Françoise on a fait un gros travail éditorial, mais si justement à un moment donné on a travaillé avec François-Eric Cormier, Didier Lavigne et François Matet, c’est que la Haute Route est vraiment le jardin de ces personnes-là. Ils ont vraiment une très très grosse connaissance des raids et de toutes leurs variantes. J’y suis évidemment allé, je m’y suis baladé, j’ai fait des compléments de photos, mais la connaissance pointue des itinéraires, ce sont vraiment les auteurs qui l'ont. Ce qui était très intéressant au fur et à mesure de notre travail sur cette trilogie, c’est qu’on était émerveillé par l’itinéraire que nous présentait François-Eric en rando – je ne suis pas du tout pratiquant de la rando parce que je suis à l’étage au-dessus – il y avait plein d’endroits que je trouvais super beaux car à un moment donné tu t’immerges complètement dans les photos. Le titre sur le ski de rando est celui sur lequel j’ai le plus travaillé, et à la limite c’est plus mon terrain en tant que guide car j’ai un grand bonheur à faire du ski de rando. Ce qui a été très agréable, c’est de nous forcer à aller ailleurs sur les montagnes à coté [pour faire des photos d’en face], sur des variantes, et du coup on a découvert des endroits où on n’allait pas d’habitude parce que ce n’était pas forcément sur la Haute Route classique. Quand on s’est replongé dans la Haute Route randonnée glaciaire de François, pareil, on a redécouvert et comme on a la chance dans notre vie d’être plutôt des enthousiastes... alors on s’enthousiasme rapidement sur le support. Ce sont vraiment des manières très différentes de parcourir la montagne, mais franchement, chaque manière a ses charmes et c’est indéniable. Je ne fais pas du prosélytisme, c’est vraiment ce qu’on ressent. Comme on travaille beaucoup sur photos, on s’immerge. Lire le texte d’un topo, c’est quand même un peu « sec », et lorsqu'à côté tu as une photo où tu vois les cols, les refuges, les cabanes, tu as envie d’y être. On espère donc que les gens aient le même rapport au topo quand ils l’ouvrent, que ça les fasse rêver et ça c’est le côté sympa de ce qu’on essaie de faire dans les collections de topos.

Et on redécouvre les massifs ?

Complètement et en permanence. Sachant que moi, je me suis beaucoup immergé dans le massif du mont Blanc. Tout ce travail entrepris depuis trois ans m’a forcé à aller de manière beaucoup plus régulière dans cette région du Valais où j’allais personnellement relativement peu. Un topo, c’est aussi ça pour un éditeur, ça te force à aller voir ailleurs. Tout ce travail effectué avec les auteurs est vraiment très intéressant, et ça on l’oublie souvent parce que les gens ignorent ce qu’est le travail d’édition. Et c’est normal parce que c’est la partie cachée du livre. Mais derrière, il y a un travail de complicité, un travail en commun tout à fait passionnant entre les éditeurs et les auteurs avec des allers-retours perpétuels qui aboutissent au produit final.

La publication de topos sur la Haute Route est ancienne ?

Il y a toujours eu des topos depuis très longtemps sur la Haute Route. Ce sont les anglais qui inventent la High Level Route. C'était d'ailleurs l'un des critères pour intégrer le tout nouvel Alpine Club. Il y avait des récits et des descriptions très précises de la manière de parcourir cette High Level pour aller de Chamonix à Zermatt. Ensuite ça s’est transformé au fur et à mesure des générations. Qu’est-ce qu’on apporte, nous ? Un regard contemporain, une autre manière de concevoir les topos aujourd’hui. On apporte une iconographie évidement beaucoup plus riche parce qu’on a les outils et la manière pour pouvoir présenter ça. On apporte aussi une actualisation sur l’état des glaciers, des sentiers, des hébergements et par définition c’est un travail sans fin. Quand un topo sort, il est pratiquement déjà démodé et on travaille déjà à la correction de la prochaine édition en regardant ce qu’on pourrait améliorer. C’est quelque chose auquel on est très attaché et qu’on met en place avec les auteurs dès que le topo est terminé. En tant qu’éditeur, on va essayer de faire vivre ce travail de fond à long terme car c’est un travail énorme et un gros investissement de notre part. Ça veut dire qu’il faut qu’on l’actualise compte tenu des changements de terrain et de l’hébergement qui sont les deux éléments essentiels pour les lecteurs du topo. Enfin un troisième élément est qu’on cherchera à enrichir notre collection. C’est-à-dire qu’on a des idées pour prolonger les différents raids qu’on a déjà présentés. Il y a quatre grands raids actuellement et on imagine tout à fait en présenter un cinquième. On ouvre aussi la porte à nos auteurs pour inventer eux-mêmes d’autres combinaisons.

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