Il aime se frotter à la verticalité des big-wall, voyager, grimper et partager tout simplement avec ses clients et amis. Portrait express de Martial Dumas de la compagnie des guides de Chamonix. |
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Montagnes Reportages : J’ai lu que tu étais originaire d’Auvergne...
Martial Dumas : Oui, je suis d’origine auvergnate, j’ai passé une partie de mon enfance à côté de Clermont-Ferrand et une autre partie du côté de Vichy. J’ai commencé à grimper en Auvergne, il y a de quoi faire de l’escalade, de la cascade de glace, enfin un petit peu de tout, évidemment à une échelle moins importante que dans le massif du mont Blanc. Par la suite je suis venu grimper un peu dans ce massif du mont Blanc, j’ai rencontré pas mal de gens et de fil en aiguille je suis resté dans le coin de Cham. Comment es-tu venu à la montagne ? En Auvergne, je me suis mis à fréquenter un mur d’escalade quand j’étais ado. Puis j’ai eu l’occasion de chausser des crampons une première fois et ça m’a bien plu. Ensuite je suis parti faire un peu des bricoles avec des copains,... mais au départ j’ai vraiment commencé la montagne par l’escalade. Tu as voulu rapidement en faire ton métier ? Dans un premier temps je grimpais mais je n’avais pas trop d’idée sur ce que je voulais faire comme boulot à part bosser dans la montagne. Assez rapidement je me suis dit que ça pouvait être le moyen d’avoir un métier. J’ai passé l’aspi en 1998, à l’époque j’étais dans l’équipe des jeunes de la FFME où l’on avait une équivalence pour le probatoire. A cette époque-là j’ai rencontré plein de potes que je vois encore, avec lesquels je continue toujours de grimper et avec qui je pars souvent en expés. C’était cool ces formations. Après avoir passé le guide, tu as bossé tout de suite ? A la suite de mon passage dans l’équipe FFME et dans la foulée après mon service militaire à Cham, j’ai commencé la formation d’aspi. Comme j’étais installé ici, j’ai commencé à bosser direct parce qu’il faut bien vivre et je n’ai pas arrêté depuis. Au début j’ai commencé dans la compagnie des Guides de Chamonix en tant que renfort, puis au bout de deux, trois ans, je suis rentré stagiaire et après je suis devenu titulaire. Qu’est-ce qui te plait dans ce métier de guide ? C’est un métier où il y a plusieurs facettes. Ce qui m’intéresse peut-être un peu plus, c’est de partir faire des courses, des classiques ou des voies originales avec un client sans être cantonné à une routine – ça je n’aime pas – j’aime bien régulièrement changer de coin dans le massif et j’ai la chance comme je disais d’avoir pas mal de clients en privé, on se connaît et donc la plupart du temps c’est moi qui choisis les courses, ça me permet de faire des voies que je n’ai pas encore faites. C’est ce qui me plait le plus on va dire. Après, je n’ai pas forcément une clientèle qui a le temps et l’argent pour faire des courses ou des expés au bout du monde, mais dans le massif du mont Blanc il y a déjà un paquet de courses à faire, et quand tu cherches bien dans les topos, tu trouves encore beaucoup de choses que tu ne connais pas.
Vous êtes combien actuellement dans la compagnie ? Il doit y avoir 150 guides titulaires, quelque chose comme ça, mais tous ne travaillent pas à l’année comme guide loin de là. La compagnie des guides est une association, donc tous les guides titulaires à la compagnie sont des travailleurs indépendants. La compagnie sert à mettre en relation les clients avec les guides. En ce qui me concerne, j’ai pas mal de clients persos dont certains que j’ai eus avec la compagnie et je travaille en priorité avec ces gens-là. Quand j’ai des trous dans mon planning, je vais à la compagnie pour voir s’il y a du boulot mais nous n’avons aucune obligation d’y aller tous les jours prendre du travail. Nous sommes vraiment indépendants.
As-tu un terrain favori, rocher, glace..? J’aime bien un petit peu tout, que ce soit la glace, le rocher, le ski... Ce qui est pas mal, c’est que chaque saison est différente, l’hiver tu peux en profiter pour faire de la cascade et puis l’été tu grimpes..., après c’est vrai que je pense avoir plus d’affinités avec le rocher. Quand je pars à titre perso, c’est plus souvent pour aller grimper sur du rocher ou faire des expés à but "rocheuse" on va dire, plus qu’en glace ou autre. Début février 2007, tu as fais l’actu avec Jean-Yves Fredriksen avec une nouvelle voie "La voie des papas" dans la face ouest du Petit Dru, face où il y avait eu un énorme éboulement en 2005. Comment vous êtes vous retrouvés là-bas ? Ça va commencer à faire un paquet d’années que je fais des big-wall et je pense que c’est quand même ça qui me fait le plus "triper" dans l’activité. Avant d’aller aux Drus, on avait déjà fait plusieurs expés avec mon pote "Blutch". Comme j’habite à Cham et que les Drus, tu les vois tout le temps quand tu es dans la vallée, c’est une face que j’aime bien. Pour la petite anecdote, une semaine avant le premier éboulement en 1997, j’étais avec un copain pour faire une tentative dans la Directissime française, on avait pris un but je ne sais même plus pourquoi... je crois qu’on s’était gouré d’itinéraire enfin bref, je n’avais jamais réussi à grimper sur cette face-là parce que tout s’est cassé la gueule. De Cham, je regardais la face ouest des Drus un soir, tout devenait orange avec les derniers rayons de soleil et là je me disais que ça devait vraiment être cool d’être au milieu de cette face avec le portaledge. C’est un peu ce qui m’a amené la puce à l’oreille. Après j’ai commencé à mater, j’ai trouvé une ligne, j’ai appelé mon pote et comme il est toujours partant, on est donc partis faire ça ensemble. Votre voie a été répétée depuis ? Je sais qu’il y a des gars qui y sont allés le mois de mars de l’année dernière. A priori ils ont fait certaines parties de notre voie et ont un peu ouvert des variantes à différents endroits, mais je n’en sais pas plus que ça. Suite à votre ouverture, j'ai cru comprendre que quelques voix pas forcément heureuses se sont élevées dans la vallée... Les Drus, c’est quand même une montagne qu’on voit super bien de Chamonix, tout le monde la voit, tout le monde a donc été rapidement au courant qu’on y était allés. Après, comme tu peux te l’imaginer, quand tu redescends il y a plein de gens qui parlent... en bien et qui disent que c’est super, et puis il y a ceux qui disent que c’est nul et suicidaire. Avec mon pote, je ne pense pas qu’on ait des tendances au suicide et si on est partis faire ça fin janvier, ce n’est pas parce qu’on avait envie de se cailler, mais parce qu’on estimait que d’y aller en plein hiver c’était plus securit. Et puis on a choisi une ligne qui nous paraissait clean, il s’avère que l’on ne s’est pas trop trompés car elle est toujours là. Voilà, on a fait ça parce qu’on avait envie de le faire. A aucun moment on a eu peur dans la face, mais bien sûr il fallait quand même faire un peu gaffe parce que des blocs s’étaient posés sur les vires, mais ça c’est partout pareil en montagne. On a vraiment pris beaucoup de plaisir à grimper là et ça nous a bien fait délirer de voir l’ampleur que ça avait pu prendre dans la vallée à droite et à gauche, c’était une expérience marrante. Tu es retourné dans les Drus depuis ? Au final avec l’éboulement, la directe américaine de la face ouest des Drus n’est pas un endroit où l’on va, justement parce que c’est une course qu’on fait l’été et ça craint vraiment pour les chutes de pierres qui viennent de la face nord et là je n’y remettrais pas les pieds ! Après j’ai fait pas mal de courses dans les Drus, la Pierre-Allain, le couloir nord, la traversée, je ne suis donc pas retourné aux Drus. Mais j’ai des clients qui sont motivés pour aller soit dans la Contamine soit à la Collangette sur le pilier sud du Grand Dru. Je suis bien motivé parce que ce sont des voies que je n’ai pas faites, j‘espère bien que je vais y retourner par un de ces itinéraires. Des coups de cœur dans tes voyages verticaux ? A part un ou deux voyages avec des clients, je fais quasiment tous mes voyages avec des copains, c’est plus des vacances comme au Yosémite par exemple où la FFCAM avait fait une équipe de grimpeurs. Didier Angonin qui s’occupe de cette équipe m’avait contacté afin de savoir si j’étais intéressé pour partir là-bas avec eux et j’y suis donc allé. Déjà, j’aime bien les voyages, et comme je disais j’aime bien le rocher, les big-wall où j’ai été amené à en faire plusieurs à différents endroits de la planète. À chaque fois c’est différent, le rocher, l’ambiance aussi, du coup j’ai plein d’endroits où j’ai de très bons souvenirs au final. Comme la Jordanie, j’y suis allé deux fois avec des copains. Des beaux voyages, plein d’escalades en terrain d’aventure, c’était vraiment sympa. Après c’est plus des trips escalade que des expés. C’est ça qui est sympa dans le voyage, tu te retrouves toujours dans des contextes différents... le désert, la brousse, la banquise et les ours polaires. Tu as l’air de bien apprécier aussi le Val de Cogne en Italie… Oui je vais beaucoup à Cogne, principalement avec mes clients car c’est un endroit qui est sympa et il y a un bon choix de cascades de glace pour tous les niveaux, de plus il y a une bonne ambiance là-bas, j’aime bien, c’est cool ! Tes projets pour 2013 ? Pour l’instant je suis encore dans la saison d’hiver, ensuite je dois partir au mois de mai au Groenland une quinzaine de jours pour Peak Performance, un de mes partenaires. On va faire une expé, grimper et faire des images d’alpinisme. Quand j’étais allé en terre de Baffin, j’avais vraiment bien aimé, je ne connaissais pas la banquise. J’aimerais beaucoup aller en Antarctique mais c’est un peu cher. On ne sait jamais... si je trouvais un mécène qui me paie une expé en Antarctique, j’irais direct ! > Le blog de Martial Dumas ici |
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