Vingt ans séparent ces deux photos du front du glacier Blanc, dans les Ecrins. Elles permettent de mesurer l’ampleur du recul du glacier : près de 500 mètres. Le retrait a commencé (ou plutôt repris) à la fin des années 1980 après une parenthèse. Les années 1970 et 1980 ont en effet été une période de progression des glaciers français. Celle du glacier Blanc imposa même de construire des échelles à environ 2300 mètres, sur sa rive gauche, permettant de rejoindre le replat du refuge Tucket. Mais ces échelles rendues inutiles par le retrait récent ont été enlevées depuis…

Selon le Parc national des Ecrins, qui effectue des relevés annuels, le recul s’est accéléré ces dernières années. « Après un retrait de 76 mètres l’an dernier, le front du glacier Blanc a reculé de 101 mètres en 2012 », indique-t-il. Or vers la fin du "Mini-âge glaciaire" (1550-1850), ce front se trouvait au niveau du pré de Madame Carle, à 1800 mètres d’altitude, deux kilomètres plus bas. Et si l’endroit est aujourd’hui couvert de pierres, c’est le glacier qui les y a charriées. Au Moyen-Age donc, le pré devait donc sans doute permettre à cette « Madame Carle » d’y faire paître ses bêtes. « Entre 1815 et 1986, qui marque la fin d’une légère avancée, le glacier Blanc a subi un retrait moyen de neuf mètres par an. Depuis, le retrait atteint précisément 726 mètres, soit 28 mètres par an. Calculé sur les dix dernières années, le recul atteint alors 41 mètres par an ! », poursuit le parc.

La formation de la glace, qui se produit dans le bassin d’accumulation du glacier, vers 3000 mètres d’altitude, résulte de la différence entre les accumulations enregistrées pendant l’hiver et l’ « ablation », c’est-à-dire la fonte de cette même neige au cours de l’été. Elle dépend donc de l’importance des précipitations l’hiver et de la chaleur estivale. On estime qu’il faut environ six ans pour que la neige soit transformée en glace, par effet de compression. La neige très abondante tombée ce printemps laisse donc espérer une rémission en 2013. Mais tout dépendra de la chaleur de cet été.

Le parc indique qu’un alpiniste parcourant le glacier blanc en 2012 se trouvait 1,45 mètre en moyenne au-dessous du niveau de l’année précédente… A ce rythme, la montée finale au refuge des Ecrins, situé sur son éperon rocheux, va se transformer en corvée. Mais le glacier blanc fait encore 200 mètres d’épaisseur…

Les glaciers alpins ont perdu un quart de leur surface

En superficie, le glacier Blanc, sans doute le plus connu des Ecrins, n’est pas le plus grand. Il est dominé par le glacier de la Girose et ses 810 hectares. Le glacier Blanc est le deuxième du massif avec 475 hectares, suivi du glacier Noir et de la Pilatte.

Un inventaire exhaustif des glaciers alpins a permis de montrer que ces derniers ont perdu en moyenne 26% de leur surface en quarante ans. Dans le massif des Ecrins, la perte est de 37% ! Bien davantage que dans le massif du Mont Blanc, ce qui s’explique par des altitudes moins élevées et des températures plus clémentes.

Rappelons qu’au cours du dernier âge glaciaire, le Würm, qui s’est achevé il y a environ 10.000 ans, les glaciers couvraient l’ensemble du massif alpin et descendaient jusqu’aux limites de Lyon… Grenoble, Bern ou Genève se trouvaient vingt mille lieues sous la glace. Enfin, presque : Grenoble était enfouie sous 2000 mètres.


Michel Tendil est journaliste et Accompagnateur en montagne. Il se passionne pour les pays russophones : Asie centrale, Caucase, Altaï… Massifs qu'il parcourt régulièrement depuis 1998.
Crédit photos : Michel Tendil