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Paraît-il qu’il faut toujours apposer le mot fin. A une histoire : "Alors le prince charmant épousa la princesse et ils eurent de nombreux enfants". A une ascension : "les alpinistes atteignirent la cime dans le mauvais temps, se hâtèrent de prendre quelques photos, puis tirèrent les rappels, rester en vie était devenu leur unique préoccupation". A un voyage : une pancarte quasi effacée, San Antonio de los Cobres, 2 voyageurs à vélo qui pédalent, bientôt s’arrêtent, posent un vélo lourdement chargé le long d’un mur, rien de plus. Fin. A ce qu’il paraît.
Et avant ?
Susques dans le clair matin, un couple d’Américains à vélo nous dit adieu. Lui, David, barbe blanche et lunettes de myope, heureux retraité de 52 ans, refait un tour du monde (son premier fut réalisé à 18 ans…). Il est parti du Minnesota il y a 8 mois et pédale sur un vélo couché, sur des routes asphaltées. Elle, July, prof en dispo, le rejoint à différents moments. Leur site internet porte un titre savoureux : http://recyclingtheworld.us/
Par monts et par vaux, la beauté d’une fraîche lumière, les collines colorées, les descentes courtes mais abruptes, les montées qui coupent le souffle. La piste. Un village, Huancar, ne figure même pas sur notre carte. Gens affables et dynamiques, esprit communautaire, nous en profitons pour acheter de délicieux empanadas faits maison, chaussons fourrés aux légumes et à la viande. Le petit rio avoisinant le bled est bien tentant mais nous apprenons qu’il a été sévèrement pollué par une ancienne mine. Question qui taraude : pourquoi l’homme semble-t’il toujours tout détruire sur son passage ? Pédaler, un peu amer en contemplant cette eau bleu arsénieuse, et les kilomètres s’égrènent lentement, la piste s’est détériorée, plus de sable, moi qui croyais en avoir fini avec…
Véro n’est pas en forme, une diarrhée persistante la poursuit, des crampes à l’estomac la minent. Enfin, vers la fin d’après-midi, dans l’immense pampa, un regain d’énergie la galvanise, alors que je ralentis, bien crevé de cette bonne journée. Et le vent, toujours ennemi, complique notre avancée… Nous jetons la tente sur le bas-côté, sans plus de cérémonie. Encore loin devant, notre phare le volcan Tuzgle nous envoie de faibles signaux d’encouragement. Toujours nous cuisinons dans la tente, c’est l’avantage d’une immense abside, qui abrite du vent violent. S’allonger, se détendre, un bonheur innommable, moment privilégié dans cette plaine d’altitude, à côté de la piste silencieuse.
Puesto Sey marque l’entrée du canyon de Tuzgle, "célèbre" pour ses blocs étonnants. Nous discutons un moment avec les villageois, le temps de faire le plein d’eau. Rarissimes sont les cyclistes qui se frottent à ces pistes désertées : trop de sable, pas d’infrastructure, pas d’asphalte, je peux le comprendre…
Tuzgle, nous peinons sur les vélos chargés de 30 litres d’eau, car l’eau du rio voisin, chargée en minéraux, est impropre à la consommation. Enfin la casita blanca, qui marque notre camp de base, à côté de sources d’eaux thermales . Rudy m’en avait parlé, et en cet instant, mes pensées vont vers ce cycliste-grimpeur solitaire: il était venu ici, il y a quelques mois, bien chargé lui aussi, dans ce voyage plein de classe qu’il effectue au travers de l’Amérique du Sud. Grimper, pédaler, la simplicité et l’enthousiasme.
Grimper, comme c’est dur après ces jours de vélos sur des pistes difficiles. Usé, j’ai franchement un mal fou à m’énerver sur ces blocs magnifiques. Mais qu’importe, là dans ce lieu paisible, dominé par le volcan rassurant, nous nous sentons, comment dire, en phase : avec ce grain pourtant râpeux du roc ; avec cette eau brûlante des vasques où nous laissons couler nos corps efflanqués et recrus de fatigue, le soir venu ; avec ce soleil pourtant ardent ; avec ce ciel d’un bleu intense ; avec ces étoiles qui cloutent la voûte céleste ; avec cette bergère - notre voisine avec laquelle nous échangeons quelques mots. Et nous nous blottissons dans nos duvets, nous soustrayant définitivement d’un vent fou, il n’y a pas de carreaux aux fenêtres, et un sommeil abyssal.
Reprendre les vélos après cette parenthèse escalade, dans le gel matinal. Nous montons, montons sur cette piste sinueuse. Allures de steppes, monde que traversent quelques humains, habitat des vigognes et des autruches des Andes. 4400 m, nous n’irons pas plus haut. Pause biscuits, fruits secs, avant d’entamer une longue descente, ponctuée de faux plats. Canyons ravissants, piste étroite, ferme complètement isolée (plus jamais je ne dirai qu’il existe des maisons isolées en France !) et puis la vision extraordinaire du viaduc de la Polvorilla. Construit sous l’égide d’Eiffel, il a inspiré Hergé dans "Tintin et le temple du soleil"… Au fur et à mesure de notre approche, il se fait imposant, délirant, incroyable. 64m de haut (c’est un peu juste pour nos amis base-jumpers, quoique…) 224 m de long, ces chiffres caractérisent cet ouvrage surprenant.
Nous suivons la route 40, cette route mythique qui part de la Quiaca (à la frontière bolivienne), longe la cordillère des Andes pour mourir à Ushuaia, à plus de 5000 km…
Autre émotion, empreinte de pathétisme : au milieu de nulle part, le petit cimetière fleuri de la mine "Concordia", actuellement fermée. Cela me rappelle les petits cimetières désolés des anciennes bases baleinières de Géorgie du Sud. Même sentiment trouble, de tristesse et de solitude mêlées. Impression de gâchis. Là encore le site a été très pollué, les eaux verdâtres et moussantes du petit rio en témoignent…
Descente, tôle ondulée qui n’en finit pas. Rejoindre la "grande" route, pas asphaltée évidemment, qui mène au Paso Sico, et au Chili. Nous partons à l’opposé.
Une pancarte aux lettres quasi effacées, San Antonio de Los Cobres, fin, point final ?
Là n’est qu’une apparence, l’illusion de quelque chose de linéaire comme la route. Non, il n’y a pas de fin, le voyage continue, sous une autre forme dorénavant, et nous continuons, emporté par la vie. Jusqu’où je ne sais, car j’ignore le mot fin, je ne connais que cette vie, infinie et belle, qui nous emporte, dans ses flots éthérés et bleutés, jusqu’à certes mourir un jour, mais qu’importe, je vous le dis, qu’importe puisque nous sommes attentifs, en mouvement, dans cette action à l’éclat de diamant, qui efface toute fin aux choses et aux êtres…

9 décembre 2009 ISan Antonio de los Cobres
7 décembre 2009 I Dust in the wind...

... DE LA POUSSIERE DANS LE VENT.
Retrouvez ce vieux tube des années 70, du groupe Kansas : "Dust in the wind", polvo en el viento, de la poussière dans le vent. Ecoutez-le sur une bonne chaîne, tranquillement installé dans votre fauteuil préféré. Et laissez-vous porter par la voix quelque peu traînante et envoûtante du chanteur. Et laissez votre esprit partir, loin, très loin, vers les étendues désolées du Sud-Lipez, Bolivie. Et ayez une pensée - attendrie. Pour nous. Gracias.
Alota*, bis. Après l’épisode du vol plané nous espérons que c’est la bonne. Cela avait été tendu dans le bus bondé, au départ d’Uyuni. Mais nous avions réussi à caser les vélos et le matos, non sans mal. Les gamins du village nous reconnaissent et nous saluent comme de vieux potes…
Km 23, cette fois pas de "couillon de DoD", je freine sérieusement et négocie la descente fatale avec prudence. Pédaler, pousser les vélos, croiser des 4x4 qui rentrent de leur tour, cap au sud, désormais. Nous avançons.
Dani, mon copain grimpeur de la Paz, m’avait prévenu : "Tu vas vouloir t’arrêter pour grimper à Villa Mar, c’est sûr ! " Le petit village surgit au détour de la piste, sagement adossé à une jolie barre rocheuse, toute morcelée. Un petit ruisseau alimente le pueblo, et une verte vallée tranche sur la rocaille de la pampa… Une hospedaje avec un homme affable, qui m’explique en long et en large la suite des réjouissances à vélo, une diarrhée bienvenue (!) pour Véro, des blocs attirants, nous décidons une journée de repos.
Matinée ballade, affairé à remonter le petit rio… Fraîcheur, calme, paix, culture de patates, oignons. Chaque parcelle est utilisée et le fond de ce canyon qui se resserre est exploité dans ses moindres recoins… Par contre au-dessus, RIEN ! Des parois fantastiques, des tours crénelées, des faces découpées au scalpel : des lignes sublimes attendent les grimpeurs avides de découvertes et de solitude. En attendant cet avènement, je me laisse bercer par une douce brise, et le bruissement serein du torrent. Seul le cri désagréable du passage de nombreuses oies andines vient troubler ma sereine exploration. Je souris tout seul, laisse mon esprit s’ouvrir et aimer.
J’ai retrouvé Véro allongée dans notre piaule, et un peu plus tard, Monique ! Après Incahuasi et Uyuni, nous recroisons une nouvelle fois cette accompagnatrice française pleine de vie et de gaîté. Cette fois, elle voyage avec son frère. Ils nous font don de délicieuses victuailles fraîches… Ah les mendiants à vélo !
Tôt partis comme toujours, nous savourons les belles lumières et le silence de la pampa. Répit de courte durée : une côte de 12 km nous éprouve, mais "polé polé" doucement doucement comme disent les africains, nous débouchons à plus de 4500 m. Nous avons pris cher : pousser le vélo chargé s’apparente à une terrible séance de musculation. Descente désagréable sur une piste pierreuse, vite effacée par une éblouissante vision blanche : le salar de Calpina. Plus loin la mine, du borax (utilisé pour la fibre de verre, les détergents, les fertilisants pour l’agro-alimentaire), plus loin les baraquements, nous demandons l’hospitalité. Ici les mineurs sont loin de tout, ici ils ne travaillent "que" 28 jours d’affilée, avec 14 jours de "récup", ici ils vivent dans des conditions spartiates – chambres au sol cimenté, un petit poêle, une salle commune avec un baby foot fatigué, un billard défraîchi, une petite télé. Et ils nous offrent un thé, une douche, un toit pour la nuit. Et ils blaguent, rigolent avec nous, nous questionnent, curieux, pas malheureux.
Colorada, un des joyaux du Sud-Lipez, bivouac dans un ravin asséché, sous un ciel bien menaçant. Nous nous reposons l’après midi, laissant le vent soulever des nuées de poussières agressives. Dust in the wind.
Désert de Dali, du sable et de la beauté. Des sculptures naturelles et des plaines, sans rien. Une descente avec un vent fou. Dust in the wind. L’agression de millions d’aiguillons de sable, vite mettre le pantalon. Nous peinons à rester sur les vélos ; dur Sud-Lipez qui ne veut pas nous laisser partir comme ça…
Nous aurions dû ne rien dire et partir gravir le Licancabur comme ça, mais voilà, j’ai discuté avec les gardes-parcs et les ai informé de notre projet, dormir au pied et escalader le volcan. Mais voilà, il est interdit de faire le sommet sans guide local et de camper dans le parc, un comble quand on voit l’incessant défilé des 4x4 la journée…
Nous quittons la Bolivie que nous aimons tant sur un sentiment mitigé, ici des gens moins sympas, des bureaucrates bornés, une douane étrange où il faut lâcher quelques bolivianos pour un tampon… Enfin le Chili, pour une courte incursion.
Pile ou face ? Descendre à San Pedro pour tamponner nos passeports de l’entrée et la sortie chilienne, ou tenter d’aller directement au paso Jama, où se trouve seulement la douane argentine. Une discussion avec des carabineros chiliens nous convainc de tenter l’affaire : nous ne sommes pas illégaux dans ce territoire où les douanes sont espacées de plus de 150 km… En attendant nous jubilons de retrouver le bitume : je l’embrasserai presque, ce goudron, tellement il est facile de pédaler dessus. Fini les pistes pourries ! Vive la route internationale, au trafic si réduit ! Et puis le paysage, bien que désolé, est somptueux : des montagnes qu’un peintre génial aura barbouillé de couleurs étonnantes, des eaux salées et vertes, quelques flamands solitaires, des vigognes au pelage dru, en bande de 4 ou 5. Comme à chaque fois que nous arrivons au Chili, ça caille ! Il faut dire que nous montons de nouveau bien haut – jusqu’à 4800 m, et le vent de cette fin d’après midi se déchaîne, rendant notre progression épuisante. Souvent, dans ces moments durs, un bon samaritain surgit. Un 4X4 ralentit, s’arrête, c’est le patron d’une agence de San Pedro – Incahuasi, il a fini son tour et nous régale d’œufs durs, de pain, de bananes, d’eau… Solidarité humaine, en ces lieux de fin du monde, qui nous réchauffe le cœur et… nous remplit l’estomac. Ce soir abrité des mugissements du vent, derrière un talus, dans une petite tente vert olive, un homme et une femme festoient ! |
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VIDEO I Descente sur la Laguna Colorada |
Les Moais de Tara, le salar de Tara sont des merveilles totalement méconnues : voyez, ces monolithes aux allures des statues de l’île de Pâques, plantées dans une plaine rocailleuse. Imaginez, une étendue de sel et d’eau, entachée de ces couleurs de pierres précieuses : opale, lapis-lazuli, améthyste, saphir… Et pédalez, sur cette route quasi déserte. Pédalez jusqu’à la frontière perdue de l’Argentine, dans cette région parmi les plus arides et hautes du monde, qui implique une grande autonomie en eau, entre 20 et 30 litres : la Puna de Atacama...

Pile ou face ? Va-t-on revivre la mésaventure de Claude Marthaler, un cycliste au long cours qui s’était fait refoulé à cette même frontière, faute d’avoir le tampon chilien (2) ? Ouf, le douanier nous appose l’indispensable tampon d’entrée sans trop nous poser de questions…
Une douche salvatrice nous requinque à la station d’essence flambante neuve et nous repartons, avec bien sûr le vent de face…
Plus de 100 km aujourd’hui, jusqu’à Susques*, un bled poussiéreux. J’ai du mal à suivre Véro qui avance comme un avion dans ces interminables lignes droites. Cadences infernales, frite d’enfer, je me colle à sa roue arrière…
Pause ici donc, le temps comme toujours d’effectuer la maintenance des vélos, de trier les photos, d’écrire, de reprendre un contact furtif avec le monde. La dernière ligne droite du "bike and climb trip" nous attend désormais : grimpe à Tuzgle*, San Antonio de los Cobres*, Salta*, déjà ? C’est trop tôt… Je ne peux le croire. Remettez une dernière fois ce bon vieux tube, Dust in the wind. Et ayez une pensée, libre, aérienne, quasi volatile. Pour nous. Gracias.
(2) Le chant des roues (Editions Olizane)

22 novembre 2009 I Salto avant pour DoD !

LA CHUTE
"T’es couillon, DoD ! "
D’habitude, c’est Véro qui me dit ça, mais là, c’est moi… Je me relève dans un nuage de poussières, à côté du vélo. Un vol plané monumental, et la roue arrière est méchamment tordue. Fin de trip ?
Reprenons : nous pédalions allégrement sur un plateau en légère descente, j’étais devant, filant à vive allure sur une piste "correcte" (pour la Bolivie j’entends). Et là, une courte descente très raide se présente. Et là, absence, le cerveau sur OFF ? Rêvasserie : une de ces belles descentes à l’Argentière la Bessée, où on " lâche les chiens" volontiers ? Réagir, enfin : freiner ? Mais avec la charge que j’ai (15 jours de bouffe, 20 litres d’eau, etc…) cela me paraît très aléatoire et déjà trop tard. Laisser filer le vélo et tenter de garder le contrôle ? Ce que je fais. " Houston, Houston, we have a problem !".Sérieux problème, je pars à une vitesse folle, sentant bien que désormais, je maîtrise "que dalle ! "" En fait, la piste n’est pas si bonne, en bas du sable, beaucoup de sable, le guidon part en vrille, moi en salto avant… et je mors la poussière. Suis vaguement sonné mais surtout vert : la roue arrière a pris une forme qui ferait plaisir au plus bourrin des free-riders. Mais là je ne rigole pas du tout : impossible de réparer cette roue sur cette piste perdue.
Retour à Uyuni, nous arrêtons un 4x4 qui passe, après 2 h de vaines tentatives de réparation.Uyuni, un atelier de vélos, nous redressons tant bien que mal la roue. Nous voilà prêt à repartir, lundi.
" T’es couillon, DoD ! " Pour sûr… Et que cela te serve de leçons ! Pas sûr… !

21 novembre 2009 I Valle de las Rocas
D'Uyuni, entretien audio avec DoD et Véro avant le départ pour le Sud-Lipez... Téléchargement du lecteur RealPlayer gratuit ici
> Ecouter Lionel et Véro (durée : 17mn )

LES RETROUVAILLES AVEC LES AMIS BOLIVIENS,
LES EPOUSAILLES AVEC LES BLOCS DE LA SUBLIME VALLE DE LAS ROCAS.
Bien entendu le bus qui nous ramène de Tupiza - cette petite ville nous avait enchantés, à Uyuni a du retard, 2 heures ! Qu'importe, les amis de la Paz nous attendent avec une nonchalance toute bolivienne. Les amis ? Le fidèle Dani, le volubile Juan-Cruz, le plus japonais des boliviens (ou l'inverse !) Tooshi,
Juan-Ga le dégingandé, et ô surprise un jeune guide français, Basile, avec sa compagne Janeth.
Mélange de joie et d'amertume : une pièce du vélo de Véro a cassé durant le transport en bus, quel comble ! Il s'agit de la patte reliant le dérailleur au cadre. Evidemment, impossible d'en trouver une ici. La "bolivian connection" tourne à plein régime : la pièce cassée est expédiée immédiatement à la Paz,
Ariel la réceptionnera, verra avec Gus - qui nous avait vendu les vélos, et nous renverra dans la foulée une pièce neuve. Ainsi le programme initial se trouve à peine modifié, il nous faudra simplement revenir à Uyuni.
Assez perdu de temps ! Vamos à la Valle de las Rocas* ! Le luxe de s'enfoncer dans les sièges moelleux d'une wagoneta, d'écouter de la musique, de voir les kilomètres défiler à vive allure sans le moindre effort. Des fois, on se trouverait (presque) con de faire du vélo ??? Alota*, arrêt pour la nuit : manger et rire, boire et se raconter les dernières péripéties de chacun. A 4000m, les nuits sont déjà plus fraîches qu'à Tupiza, mille mètres plus bas. La vague de chaleur inhabituelle qui sévit en Bolivie nous avait quelque peu accablés.
Grimper, manger, dormir, échanger, bonheur toujours.
Grosse différence : une chaleur brûlante tente de réduire en cendres nos volontés d'escalade. Il faut chercher l'ombre, attendre les nuages de l'après-midi. Qu'à cela ne tienne, les dernières heures du jour nous rassasient de superbes blocs, et nous célébrons dignement ces nouvelles épousailles avec le roc. La nuit est là, nous mangeons, buvons, du vin (un peu), de la bière (un peu), rions (beaucoup).
Tout passe trop vite, j'ai beau être explosé, allongé comme une loque sur un crash pad, épuisé de trop nombreux essais sur un bloc récalcitrant, le temps défile et je ne vois ni ne veux plus rien. Je sens simplement cette grâce à partager ces instants de vie pure, avec Véro, avec mes amis, avec ces blocs "faits pour être grimpés". Pas de cotation, pas de topo, juste cette frénésie d'amitié, juste cette énergie gratuite, lâchée dans cette boulimie de grimpe, juste cette joie qui ne peut se dire, juste ces épousailles de plusieurs jours avec la vallée des rochers. Retour à Uyuni, un dernier repas, dur de quitter cette tribu de gais lurons, que seule anime un profond amour de grimpe. Soif de vie, soif de grimpe, soif, amigo !
Poursuivre le trip grimpe et vélo, enfin ce 19 novembre nous commencerons, une fois n'est pas coutume, par 3 heures de bus cette fois, afin de rallier à nouveau Alota. En effet, nous aurions dû repartir de ce village, nonobstant la pièce cassée du vélo de Véro.
Mais voilà : les aléas du voyage. Finalement tout se remet en ordre, comme par magie : le vélo rutile d'une pièce neuve, prêt à bondir pour 300 kilomètres de pistes, peu de villages, peu d'eau, mais des paysages qui dépassent l'entendement, le Sud-Lipez nous attend, nous voilà.

14 novembre 2009 ITupiza > voir les photos
12 novembre 2009 I La route du sel

Il faut voir un lever de soleil sur le "salar" une fois dans sa vie : moment de féerie, qu’offre la nature : très tôt le soleil arrive et rosit, puis teinte le sol d’un orange pâle, les ombres s’étirent à des dizaines de mètres, et nous sommes là, à tout simplement écarquiller les yeux les plus grands possible…
Voilà donc.
Le retour à la Bolivie, quitter un pays pour en retrouver un autre. Des différences notables, qui ne sont pas le simple fait d’une limite administrative : là, à Pisiga*, des rues sales, les ordures sont balancées sans vergogne et sans état d’âme. Mais aussi des gens plus chaleureux, qui s’arrêtent spontanément sur la piste défoncée et vous serrent la main.
D’entrée de jeu, la piste sableuse nous fait râler, en plus nous sommes particulièrement chargés avec 30 litres d’eau et une semaine de bouffe. Un rayon cassé nous montre les limites à ne pas (trop) dépasser. Pousser le vélo avec la remorque mono-roue est particulièrement pénible : arc-bouté sur le guidon, j’ai l’impression d’une séance particulièrement ardue de muscu… et j’en bave ! Véro de même… Enfin, cela en vaut la chandelle : le salar de Coipasa*, très sauvage, est tout proche.
Aucune signalisation ici, nous prenons vite le réflexe de demander notre chemin dès que nous rencontrons une voiture, c'est-à-dire toutes les 3-4 heures… voire jamais.
Ici sur le salar nous rêvons, nous exultons, nous jubilons. Mais des Boliviens travaillent là. C’est un labeur de forçat : des hommes et des femmes, échine courbé, piochent le sol afin d’extraire le sel. Bottes croûtées, cagoule pour ne pas brûler, indispensables lunettes de soleil (mais je doute qu’elle soit de catégorie 4…), ils survivent ainsi. Cela ne les empêchent pas d’être joyeux et de travailler… en musique ! Le sel séché est ensuite acheminé en voiture jusqu’à Oruro, la "grosse" ville à plusieurs heures de piste. Là il est traité avec de l’iode, avant de se retrouver dans les assiettes.
Des explications sur la route à suivre nous sont données : en effet, la surface du salar n’est pas toujours lisse comme un miroir et parfois le relief torturé et crevassé, voire des trous d’eau incitent à ne pas s’aventurer en dehors des vagues traces de 4X4 .
Les kilomètres défilent, je prends comme repère des montagnes lointaines…
Bivouaquer sur le salar laisse le sentiment d’être seul au monde, on jurerait de la neige, mais sans le froid ; on penserait une autre planète, nous sommes pourtant sur la Terre, Amérique du Sud, Bolivie ; on imaginerait une mer blanche et figée, le contact dur et doux à la fois du sel cristallisé rappelle à la réalité du "salar".
Il faut voir un lever de soleil sur le salar, une fois dans sa vie : moment de féerie, qu’offre la nature : très tôt le soleil arrive et rosit, puis teinte le sol d’un orange pâle, les ombres s’étirent à des dizaines de mètres, et nous sommes là, à tout simplement écarquiller les yeux les plus grands possible… Une heure plus tard, cette fantasmagorie s’estompe, vite sortir les lunettes de soleil, vite se couvrir pour ne pas brûler.
Pédaler pour sortir, car nous faisons sur le salar un simple passage, comme une méharée dans le Sahara.
Parfois des rencontres étonnantes : au loin quelque chose qui brille, comme nous nous rapprochons, plusieurs véhicules, sans plaque, avec des chiffres et des lettres écrites sur le pare-brise. Nous pensons à des trafiquants de bagnoles, en provenance du Chili, par des chemins de contrebande, les mêmes que nous empruntons ! La rencontre est cordiale, demander son chemin, toujours ! Et que craindre de deux gringos à bicyclette, chargés comme des baudets ?
Sortie du salar, de nouveau l’enfer du sable. Enfin, en traversant des champs (!) nous rattrapons une piste meilleure. Pas de village, pas d’eau, nous nous trompons de piste : un joli détour d’une vingtaine de kilomètres, nous nous en serions bien passés…
Nous sommes bien usés tous les deux par ces trois jours de vélo au milieu de nulle part, et en plus il fait étonnamment chaud… Avancer, toujours. Les réserves d’eaux s’amenuisent mais nous retombons enfin sur notre chemin : des maçons solitaires nous renvoient sur la bonne piste, un papy illuminé et édenté nous annonce notre destination Salinas*, au bord du salar d’Uyuni, à 5 kilomètres. "5 kilomètres, tu parles !". Le village d’Alcaya*, célèbre pour ses momies, est déserté : ces 20 habitants sont partis pour "la fiesta de Todos Los Santos" à Salinas. L’auberge où nous comptions manger, voire dormir, est donc fermée, un coup de plus au moral ! La seule famille qui reste, m’offre une boisson énergétique à base de quinoa. L’accueil est superbe, merci "hermano", frère comme tu m’appelles, pour ta belle générosité. Bien besoin avant la sale côte qui nous attend.
Sommet de la côte, le bonheur, une longue descente jusqu’au village que nous voyons, au bord d’une étendue plane et blanche, le salar d’Uyuni…
Repos mérité, la douche chaude est quasi extatique, après ces jours dans le sel et la poussière.
Todos santos, tous les saints, tous saints, la Toussaint. Nous sommes cordialement invités par Ugo, notre hôte à nous joindre à la fête qui dure trois jours. Accueil très chaleureux des villageois. Ici les morts sont célébrés d’une belle façon, leur souvenir reste bien vivant : les familles édifient dans leur maisons des autels avec photos et nourritures, les amigos sont invités à se recueillir, à mâcher de la coca*, à manger, à boire (en versant un peu du breuvage sur le sol), afin que l’âme du défunt reste bien présente. Puis les gens se jettent de la quinoa à la manière de confettis (collants... !) dans une ambiance joyeuse et festive. Ainsi donc ces jours particuliers, nous avons laissé le goût amer de la coca imprégner notre bouche, nous avons versé sur le sol un peu d’alcool, mangé de bonnes soupes, du poulet et de la quinoa en abondance. Tout cela bien sûr, en mémoire de ces inconnus boliviens. Mais c’est aussi l’occasion inespérée de laisser revenir à la surface de mon âme le souvenir des morts de ma famille, et la très (trop) longue liste des amis ou connaissances disparus en montagne. Il n’y a rien de lugubre ni de triste là-dedans.Le dernier jour, tout le village se rend au cimetière pour décorer les tombes et boire encore avant d’aller danser dans les rues. En regardant les gamins jouer sur ces tombes en hurlant de joie, j’ai pensé à vous tous, passés dans l’au-delà. Et un doux sourire est venu, la blancheur de cet étonnant moment m’a comme apaisé, le bleu du ciel m’a transporté, de nouveau la joie est là. Transparence de la vie et la mort, frontière effacée... par un rire de gosses dans un cimetière.
* La feuille de coca mâchée seule n’a pas d’effet particulier. Pour libérer ses alcaloïdes, il faut la mâcher avec un adjuvant.
Presque à regret nous quittons Salinas et l'hospitalité de ses habitants, jeunes
et moins jeunes.
Direction la plus grande étendue de sel du monde : le célébrissime salar
d'Uyuni.
Une trentaine de kilomètres sur une piste quasi déserte nous dépose au pied du volcan
Thunupa. Demain sera un aparté au vélo puisque nous comptons marcher jusqu'au
mirador. Nous quittons la piste principale sans réfléchir et poussons comme des ânes les vélos sur une piste abrupte, fraîchement massacrée par une chenillette.
Au bout de 2 kilomètres d'efforts surhumains, harassés, nous posons le bivouac, avec
tout de même pour récompense le salar à nos pieds, et un espace fou, rempli d'un
joli silence. Pousser les vélos sur la piste, avec la promesse d'une descente fabuleuse, avec
ce grand plat à la blancheur éclatante en ligne de mire. "C'est pas tous les
jours !"
Finir à pied, jusqu'à un alignement de cairns signalant le sublime point de vue.
S'asseoir sur un rocher rugueux, ne pas en revenir de cet aveuglant miracle,
tout en bas. La ligne d'horizon, un trait fin qui tranche le bleu du blanc, n'en
finit pas de nous subjuguer. Mais bon, lors de la descente, il faudra garder un œil concentré sur la piste défoncée, et ne pas trop lever la tête quand bien
l'envie nous prend.
Jirira, dans la posada où nous avons trouvé asile, une perruche belliqueuse s'en
prend à la protection de mon guidon. Je peine à chasser l'oiseau affamé. Il me
fait penser aux keas de Nouvelle-Zélande, ou aux terribles skuas de Kerguelen.
De nouveau un salar, de nouveau ce sol blanc comme neige et dur comme de la
pierre, de nouveau les mètres défilent, vers un point lointain pris comme
repère.
Coup de bol, nous tombons quasi par hasard sur l'île d'Incahuasi, nous la
croyions beaucoup plus loin, "bravo le guide !" Savourer une paix éphémère
avant la venue de hordes de 4x4 remplis de touristes, admirer les cactus géants,
plonger dans les entrailles volcaniques de l'île, et enfin se délecter de la
lecture du livre d'or des cyclistes et motards : fou de voir comme cette île
constitue un point de passage obligatoire (entre Alaska et Terre de Feu !) chez
les voyageurs au plus ou moins long cours. Plaisir de voir la fraîcheur de
certaines aventures, dont personne, ou si peu, n'entend jamais parler. Les
touristes ont envahi l'île et troublé notre quiétude matinale : curiosité,
gentillesse, voire admiration nous assaillent. Jamais nous n'avons encore
rencontré autant de compatriotes ! Repartir le vent dans le dos, quasi, que du
bonheur, c'est si rare. Ce jour nous dépassons les 100 km, et les belles
lumières du soir nous accompagnent dans notre traversée. Les ombres s'allongent à côté des vélos, s'étirent loin devant nous. Derrière nous le soleil nous
quitte peu à peu, mais dans ces instants magiques d'avant la nuit, nous avons le
curieux sentiment qu'il calque sa descente sur notre vitesse, comme pour mieux
nous permettre de jouir de ces instants privilégiés. Ensemble nous ralentissons,
ensemble nous nous arrêtons, lui derrière une lointaine montagne, nous,
n'importe où, là, par exemple, sur ces larges cristaux géométriques. Un bivouac
monté en temps record (nous sommes devenus experts dans l'art de planter les
sardines dans les interstices de sel !), la nuit est désormais présente, qui
drape le salar d'une énigmatique beauté. Le vent frais nous chasse sous la
tente, nous dégustons des pâtes chinoises, puis sans tarder plus plongeons dans
les duvets. Sommeil de brute, rêve blanc.
Une pétarade caractéristique trouble ce matin le silence de l'étendue salée :
d'abord faible, puis de plus en plus audible. Une moto derrière nous ! Elle nous
double - signe de la main de son pilote, puis s'arrête. Le motard en question,
lourdes bottes, veste renforcée et cousue de drapeaux de pays traversés, est un
canadien. Il a quitté Vancouver il y a plus de 6 mois et bien évidemment
descend jusqu'à. Ushuaia ! Fort gentiment, il reviendra sur ses pas pour nous
indiquer la meilleure sortie du salar.
Cap a été mis sur Uyuni, au SE. En effet, nous avons dévié vers cette petite
ville, haut lieu du tourisme - car point de départ de tous les tours, pour
plusieurs raisons : depuis un moment les fermetures de la tente ne fonctionnent
plus, trop de poussières! Et puis, quand bien même nous dépensons très peu
d'argent, il nous faut un minimum de bolivianos. Et finalement, pour retrouver
les copains grimpeurs (en vue d'aller à la Valle de las Rocas), ce sera beaucoup
simple.
Après quelques coups de fil et échange de mails, il s'avère que Daniel ne peut
pas venir avant le dimanche 15 novembre, sa voiture est en panne ! Qu'importe,
c'est l'occasion de quelques jours de "vraies" vacances, nous décidons de
faire un aller retour en train pour l'agréable ville de Tupiza, à 3h de bus de
l'Argentine.
Savourer tranquillement les jours passés, se refaire une santé pour être
d'attaque pour bien grimper, et surtout pour affronter le Sud-Lipez, la face
Nord des Jorasses des cyclonautes !


Route internationale à Colchane, plus de 200 km de pistes : du velours ondulé à la vraie tôle ondulée. Et du sable, aussi. Et du sel, blanc comme neige. Et du vent, et du froid, comme à l’habitude. Des gens, parfois.
Ainsi donc, l’aparté à Arica* s’est achevé : les affaires d’alpinisme ont été renvoyées en France. Mais bon, nous ne gagnons pas au change avec 10 jours d’autonomie en nourriture…
L’altitude nous fait du mal après ces quelques jours passés au bord du Pacifique et le premier jour, nous y allons "calmos" ; le mal de crâne et le souffle court nous guettent !
Ce sont des étendues désertiques, à peine émaillées par quelques pueblitos, parfois, souvent abandonnés. Ici l’homme a cédé sa place au vent, et au froid. Les heures passent vite, à pédaler, à garder un œil permanent sur la piste, l’autre divaguant à l’infini. Parfois des rencontres, touchantes : ces chiliens en 4X4 qui nous offrent eau (une denrée rare !) et fruits (que nous apprécions goulûment !). Le rio Lauca, que nous retrouvons à plusieurs reprises, incite au bivouac, c’est un moment privilégié : repos pour les cyclistes fourbus, paix ambiante, calme absolu. Toujours différent, toujours beau.
Cela change ! Ce matin, une noria de camions… La grève s’est achevée, et la ronde infernale reprend, vers la mine de Quiborax, sur le salar de Surire. Remarque, les routiers sont sympas, ils nous adressent toujours des signes d’amitié, comme ils nous doublent dans un épais nuage de poussières… Pas rancuniers, nous répondons à leur salut !
Salar de Surire, une mer blanche enchâssée dans un écrin de montagnes rocailleuses : une vision qui arrache un cri d’allégresse ! Vision qui se ternie quelques kilomètres plus loin avec l’exploitation du borax sur le Salar. Quand l’économique écrase l’écologique…Cela n’empêche pas les mineurs d’être très attentionnés : "Si vous avez besoin de quoi que ce soit, demandez-nous ! " Voir des cyclistes ici n’est vraiment pas monnaie courante ! En fait nous trouvons un asile inattendu peu après dans un refuge de la CONAF, qui gère les parcs nationaux ou les monuments naturels, comme celui-ci. La douche n’est pas du luxe, avec toute cette poussière que nous aurons "bouffée".
Désormais, le retour à la solitude : les voitures croisées se comptent sur les doigts d’une main, les thermas de Polloquere nous offrent un havre extraordinaire et nous trempons avec délices dans ces eaux brûlantes et soufrées. Comme toujours, le plus dur est de sortir…
Au matin, la réparation d’un rayon cassé m’occupe un bon moment : le rayon est placé au pire endroit - roue arrière, côté pignons. Je bricole une réparation de fortune et échange les roues arrière, le vélo de Véro est en effet moins sollicité.
Une côte interminable nous amène à la frontière… minée mais heureusement grillagée et indiquée ! C’est un guide chilien qui nous a indiqué ce raccourci en territoire bolivien, par une piste secondaire. Quelques kilomètres plus loin, dans un désert "encore plus désert", nous repassons au Chili, profondément satisfait d’avoir économisé une belle distance.
Encore la pampa, quasi pas d’eau, des villages abandonnés nous laissent une saveur triste et une espèce de vague à l’âme. Paysage magnifique, mais inhumain. Pistes dures, de la tôle ondulée, du sable, secousses, vent violent, fatigues.
Bivouac derrière une vague murette, l’avantage, nous ne sommes pas dérangés par le passage des voitures…
6ème jour, Colchane* est maintenant à une quarantaine de kilomètres, l’environnement change : des canyons, des reliefs plus marqués, ces arbustes chétifs, cette eau qui coule à nos côtés, au milieu des mousses et des lamas.
Des villages aux gens résignés, nous sentons une différence avec la Bolivie. Ici tout a été fait pour détruire l’identité des Aymaras. Néanmoins, toujours, à notre égard, de la gentillesse, sûrement teintée d’incompréhension face à ces insolites viajeros, voyageurs en perpétuel mouvement, sur la route, toujours.
Colchane : la fin d’un monde, c’est sûr. Le far-west, aussi. Peu d’animation à cette frontière, une léthargie, de la poussière, des baraquements en tôle. Des fils électriques, des antennes, quelques camions, quelques bus, raccrochent à ce monde tel que nousle connaissons, et pas si loin. Autour le désert à la végétation rase, des volcans tranchent le ciel éperdument bleu, l’ambiance est à l’isolement absolu, un désert des tartares, comme si le Chili avait oublié ce village frontière, bien qu’internet ait été installé… il y a deux jours !
Et qu’ainsi je puisse envoyer par ce miracle de technologie les dernières nouvelles du "bike and climb" trip !
Dans les prochains jours, nous repasserons côté bolivien pour poursuivre la route des salars : Coipasa*, Uyuni*, jusqu’à grimper à la fameuse "Valle de las Rocas", où nous espérons retrouver des amis boliviens… Et là, internet risque de ne pas être disponible avant plusieurs semaines…
Saludos. DoD

21 octobre 2009 I L'enfer magnifique
De la petite ville du nord du Chili, Putre* où ils font actuellement une escale logistique, DoD et Véro nous livrent par webcam leurs premières émotions : Les premiers coups de pédales, les vélos bien trop lourds, l’émerveillement devant les somptueux paysages, les rencontres extraordinaires qui se mêlent à l'extrême difficulté des pistes quand elles sont sableuses, l'altitude qui vous monte à la tête, le froid et le vent... mais un "enfer magnifique", comme dit DoD. |
Le premier jour, donc, a été un enfer magnifique. Après, ce fut, c’est et ce sera simplement dur. Magnifiquement dur.
L’enfer magnifique ? Parce que trop lourd ! Trop d’eau, de nourriture, de matos, et ces pistes qui d’entrée défoncent le dos... Bon, nous nous allégeons, le cul se tanne, le corps fait corps avec la bicyclette, cela va mieux.
En dépit du barda trimballé, le voyage à "bici" donne des ailes, et les rencontres sont étonnantes, légères, aériennes.

C’est un bonheur sans nom d’escalader ce rocher alvéolé, dans une connivence indicible avec le roc granuleux. Puis partage des repas, des idées, des spots, de la vie qui file.
Et nous pédalons vers un spot voisin : Chacalpuncu. La piste à peine marquée n’a pas la même gueule à vélo que vue du 4x4 des amis boliviens avec lesquels j’étais venu deux fois. Nous retrouvons les bouteilles d’eau planquées sur le site à notre intention. Bien vu !
Grimper ! Difficile d’exprimer tout ce que recèle ce mot, difficile de dire cette légèreté puissante, cette rage tranquille, cette douce opiniâtreté, ce sourire rugueux, ce déversement de joie, cette jubilation simple. "Dani’s bulder" c’était mon projet. La dernière fois, j’avais déjà essayé et essayé avec Daniel- Dani, et tous les autres cet improbable dévers. En vain. Le bloc était resté solitaire, repoussant nos assauts acharnés J’en rêvais presque. Et là ce fut la grâce. Le premier essai fut le bon : la pince main gauche, le bi fuyant, ne pas oublier le talon haut monté, le croisé décisif, la suspension où tu gaines à mort, les bacs, ne pas se désunir, encore un crochetage talon, ne pas se désunir, t’es haut, avec un seul crash plusieurs mètres plus bas, sortir le pied, t’as gagné ! Gagné quoi, pauvre homme ? Cet or invisible, qui pétrit le cœur d’une couleur jaune et heureuse. Ce vif-argent, qui coule dans mes veines et exulte, exulte... Je n’ai besoin de rien de plus.
A côté un autre 5 étoiles, promis à Ziza, la femme de Toni Lamiche : "Ziza’s bulder". Une série de trous dans un dévers merveilleux et pur. J’en avais fait le départ assis la dernière fois et je suis repassé devant, l’âme complice. Rudy fera quelques tentatives, trop dur. Mais cela ne l’empêchera pas de s’extasier devant l’élégance et la forme du bloc. Nuit au milieu des blocs et des étoiles, encore de la grimpe, puis le moment d’enfourcher les bikes. Rudy part à la Paz, nous traçons sur le Sajama. On se promet de s’y retrouver une fois que Rudy aura loué l’indispensable matos pour l’ascension du plus haut volcan bolivien. Dur de pédaler après des séances intensives...
3 octobre. Sajama* le village, nous nous posons 6 km plus loin aux aguas thermales, vague repos, départ pour le Sajama. L’altitude est fatale à Véro : au campo alto, à 5500m, violents maux de crâne, nausées, le MAM est là, qui lui défonce la tête. Nous n’irons pas plus haut et la descente agit comme un médicament miraculeux. Déçus certes. Il aurait fallu faire un 6000 moins haut avant, histoire de parfaire l’acclimatation de Véro.En descendant nous croisons Rudy qui fera une tentative poussée en solo jusque dans les penitentes, vers 6300m.
Le Sajama aura été le témoin de belles rencontres, encore : 5 jeunes savoyards, qui descendent l’Amérique du Sud depuis Bogota en 4X4, skiant, volant en parapente, grimpant.(2) L’un deux s’offrira même un vol fabuleux depuis le toit bolivien. Et puis aussi un couple de français à moto (une petite 250cm3) avec un barda...(3)
Rudy nous a retrouvé et nous décidons de tenter le Parinacota, 6300m, avec une approche…à vélo. 30 bornes de pistes. Et très vite le sable : nous abandonnons les vélos après une lutte exténuante, coupons tout droit, échouons dans la vallée du Pomerape. Au terme d’une longue et dure journée, nous installons la tente vers 5000m... loin du Parinacota. Le lendemain, Véro, épuisée des efforts de la veille, est de nouveau la proie du soroche, et nous ne dépassons pas le campo alto... Voilà ce qui (peut) arriver quand on ne fait pas les choses dans les règles de l’art, hélas. Mea culpae. Rudy continue seul jusqu’à la cime, pour son premier 6000, gravi d’une manière élégante et pure.
Adieu clochard, nos routes désormais paraissent s’opposer : lui monte vers le Pérou, nous traversons vers le Chili. Il n’en est rien, ces jours intenses, partagés, ont scellés une indéfectible amitié. Para Siempre, amigo.
13 octobre. La montée vers le Chili nous arrache nos derniers atomes d’oxygène. Rude de pédaler vers 4700m, et le vent, et le froid, qui nous soude au cadre du vélo.
No man’s land, mauvaise surprise, il n’y a rien côté chilien, dans ce désert d’altitude. Avec cette législation qui empêche toute importation de produits d’origine animale et végétale, nous avions préféré passer la frontière avec un minimum de bouffe, quasi rien… Seulement, nous voilà coincé, car il n’y a rien ici et il ne faut pas compter sur des villages plus au sud.
Nous continuons la route internationale, jusqu’à Putre, où nous espérons trouver de la nourriture, changer de l’argent, et surtout renvoyer en France le matos d’alpi, car Véro se sent désormais peu motivée par l’altitude… Et puis, sur les 300 prochains km, il faut prendre un maxi d’autonomie, en eau, en bouffe, car là-haut, à plus de 4500m, il y a très peu d’habitat.
Un garde-parc nous préviendra : "quasi pas de nourritures, l’eau des rios est chargée en métaux lourds, à peine des pueblitos..."
Ambiance somptueuse, venteuse et glacée du Parc National Lauca, les flamands roses et les vigognes sont nos voisins de bivouac. Nous connaissons des journées dures, avec ce satané vent d’Ouest en plein dans le pif. Nous endurons les nuits les plus froides, cela descend allègrement en dessous des -10 -15, et nous attendons le soleil comme notre " salvador ".
En dépit de cette froidure nucléaire, de cette dureté coupante, une allégresse cristalline nous saisit, à donner de vigoureux coups de pédales dans ce no man’s land, comme bousculant la nature minérale, mais magique. Nous ne sommes pas tant seuls : les camionneurs, les chauffeurs de bus nous adressent des signes amicaux d’encouragement, comme respectueux de notre effort insensé : klaxons, appels de phares, saluts de la main, pouce levé… Mieux vaut tout cela que d’être, comme parfois, rasé, par des routiers fatigués d’une trop longue … traversée du désert.
Et puis, encore, cette humanité riche : elle se traduit sur un parking avec l’étonnante rencontre de motards chiliens aux grosses cylindréees vrombissantes, et harnachés comme des gladiateurs. Rapide échange, vie complice qui passe des vélos aux motos, nous nous quittons sur une virile poignée de mains et sur les graves sonorités des pots rutilants, eux seront à la Paz ce soir…



Les pistes, mauvaises d'entrée de jeu, nous mettront dans le bain : Calacoto et la cité des pierres (tiens tiens...) puis vers le sud sur une vague piste jusqu'à retrouver la route (goudronnée, un peu de répit) du Chili. La suivre jusqu'à Chaculpuncu (rimpe !) puis le Sajama et les Payachatas (les 6000m). Ensuite incursion au Chili, épingler le Guallatiri, un volcan encore actif, longer la frontière, commence les salars, ces fameux déserts de sel: Surire, puis passage de nouveau en Bolivie à Pisiga* : salar de Coipasa, le célébrissime salar d'Uyuni, la valle de las Rocas (grimper au paradis !) puis la "route des joyaux" : laguna colorada, laguna verde et le volcan Licancabur*. Puis cap à l'Est au coeur du Sud Lipez, qui compte parmi les paysages les plus remarquables de notre planète, traverser ce no man's land qui vit les derniers jours des braqueurs de banques Butch Cassidy et le Sundance Kid, (j'aime cette phrase de Paul Newman dans le film Butch Cassidy et le Sundance Kid : Kid, the next time I say let's go someplace like Bolivia, let's go someplace like Bolivia !") Enfin Tupiza*, une vraie douche et du repos, manger des fruits et du poulet. Reprendre la route du Sud, passer la frontière boliviano-argentine à Villazon, et là, plusieurs options possibles pour éventuellement rallier Salta, la grande ville du Nord-Ouest argentin, c'est déjà loin...
Combien de kilomèttres envisagés ? Je n'ai pas calculé ! Jusqu'où ? Rien de vraiment précis ! Ce sera l'aventure, tout simplement! Adelante, en avant...
Seul impératif : un avion de Buenos aires à Ushuaia le 22 décembre, avant 2 mois et demi en Antarctique, mais ça c'est une autre histoire...
La Paz, l'étonnement.
Comme toujours. Impossible de s'habituer. Comment, en effet, ne pas être subjugué par la vision de ce canyon incroyable, et de ces "casas" accrochées à ces flancs de boue séchés et érodés ? Cela défie les lois de la construction...
Tout en haut sur l'altiplano, les quartiers pauvres d'El Alto, à plus de 4000m, sont en perpétuelle extension. L'aéroport se trouve désormais encerclé de toutes parts. En descendant par l'autopista, de nouveau cette saisissante vision : un canyon tapissé d’habitations. Seuls échappent à cette folle urbanisation les parois les plus verticales, et encore... Le centre, bruyant et tumultueux, est pollué par les bus antiques qui crachent de noires fumées lors d’épuisantes montées. Partout des minibus, dont les voceadors hurlent la destination, jusqu'à l'extinction de voix. La descente continue, au fond du canyon, au-dessus des eaux invisibles, puantes, moussantes du rio Choqueyapa. Un changement s’opère : les immeubles se font plus grands, plus modernes, plus hauts : Sopocachi, le quartier des ambassades, des bars et des restos sympas. Plus bas encore, après plusieurs kilomètres, la zona sur, le quartier riche. Là, les 4x4 sont légions, le quartier commerçant de San Miguel a des réminiscences de mall américains, on est loin, et près pourtant, de El Alto, de ses rues congestionnées et de sa population colorée.
Là, sur un plateau, dans les hauts d'Irpavi, vit mon ami bolivien Daniel. Je l'avais connu il y a 3 ans de cela lors d'un trip de blocs avec des grimpeurs français et j'étais super heureux de le retrouver. Tout comme ce pays que j'adore.
Un mois comme guide avec un groupe de tourangeaux (4) avait vite passé, à épingler quelques beaux 6000 andins. Des classiques comme la voie des français au Huayna Potosi: un vent glacial, un cheminement aux milieu de crevasses énormes, une trace profonde dans la pente avait un peu corsé l'affaire. Mais au moins les mollets ne souffrirent pas! Une belle arête et un beau sommet suivirent: un bonheur d'alpiniste. Une météo mauvaise nous chassa au sud, vers le point culminant de la Bolivie : le Sajama à 6542m. Mais auparavant une visite aux eaux thermales s'imposa, pour le délice de tous. Face au Sajama, dans une eau à 40°, le plus dur dans l'histoire est de sortir, avec cette satané bise qui glace les corps nus...
En premier lieu, les jumeaux, las Payachatas : le Parinacota avec son cratère gigantesque, puis son voisin le Pomerape. Et, de la cime, cette vision de l'altiplano à perte de vue, ce 360° qui n'en finit plus de s'étendre vers les no man’s land arides du Chili ou de la Bolivie.
La montée graduelle au Sajama : camp de base (étonnement des locaux qui nous voient avec nos gros sacs "si, estamos las mulas" oui les mules c'est nous, et de continuer la marche dans un bel éclat de rires. Campo alto, les choses se corsent : un mauvais chemin (mérite-t'il seulement cette appellation ?) amène à quelques plates-formes taillées dans la rocaille. Une nuit ventée (je n'ai jamais connu de bonne nuit ici ! ), un départ dans le froid, un itinéraire varié, ah ces étonnants pénitents où il faut louvoyer, et le sommet : un gigantesque plat enneigé, glacé, où eut lieu le match de foot le plus haut du monde. Cette fois la chance est avec nous : à peine du vent, nous pouvons enfin profiter du lieu et de nouveau de l'infini. Les deux fois précédentes, le vent et le froid nous avaient à peine laissé le temps d'une photo souvenir... (4) http://www.caftouraine.org

Encore de sublimes ascensions, jamais dures mais toujours belles. Le collado Ingles, à 5200m est le prétexte d'un bivouac parfait : des dalles de rocher plates, et surtout des vasques (et donc de l'eau !) juste à quelques mètres. Environnement haute montagne, d'immenses champs glaciaires nous encerclent. Deux belles ascensions, la pyramide étonnante de l'Ascarani, et je crois (la carte anglaise, la meilleure dont on peut disposer, recèle quelques erreurs...) le Sorel Este.
Pour clore ce chapitre, un très beau final : le Chaupi Orco, est certainement avec ces 6044m le plus sauvage des 6000 boliviens. Pas d'infos sur son ascension depuis le lac de Chucuyo Grande, pas grave, une indispensable reconnaissance me livre la clé de ce glacier aux épées de glace, de plus de 20m de haut. Une ascension parfaite, en dépit de plusieurs heures d'une trace exténuante dans une neige poudreuse et profonde (pourquoi n’a-t-on pas de skis ?). Comme d'habitude, chaque après-midi il neige, mais ces flocons de neige prennent désormais l'allure de pépites, car notre eldorado est bien là : dans l'ascension de ces sommets perdus, qui dominent ces pentes de rocailles aurifères, où s'escriment et vivent de nombreux boliviens. D'ailleurs, quand nous avons rejoins le pueblo minier de Suches, personne n’a voulu croire que nous étions là "que" pour escalader ces pitons neigeux. Forcément, c'était un prétexte, et d'ailleurs, que renfermaient nos gros sacs ?
Retour à la Paz, chez mon ami Daniel où j'ai pris mes quartiers. Immersion totale, mon espagnol subit une progression remarquable. Désormais, deux missions essentielles m'accaparent : grimper, bien sûr, mais aussi et surtout trouver des vélos ! Car avec Véro nous avons prévu 3 mois de "bike and climb" sur les pistes désolées de l'Altiplano, loin de l'asphalte, proche des montagnes, des gens et des blocs.
Ainsi donc passent les jours, trop vite: falaise sur le poudingue d'Aranjuez, au bout de la zona sur avec Daniel, et prospection. Rentrer dans le réseau des riders de la Paz, et finalement tomber sur Gustavo. Gustavo, "Gus" comme tout le monde l'appelle est mécano dans une agence de VTT qui propose la fameuse descente de "la route de la mort", de la cumbre à Coroico. Gus me vend un de ses VTT perso, qu'il customisera un peu pour le voyage : porte-bagages avant arrière, pédales automatiques, pneus renforcés etc... Pour Véro cela prendra un peu plus de temps pour trouver le cadre adéquat. Néanmoins, au final, elle bénéficie d’un vélo quasi sur-mesure ! Peu à peu, je fais aussi connaissance avec le sympathique micro-milieu des grimpeurs de la Paz, et même des "franceses", en vacances ou "expat". Le comble, je tombe même sur Bruno et Emilie! Bruno, j'avais vécu avec lui la longue traversée des Bans lors de l'Arête Haut Alpine. Du coup nous partageons quelques belles journées, et notamment une rando "bartasse" qui nous amène au coeur de l'un des barrios les plus riches de la Paz, la Rinconata. Arrivant d'un barranco asséché, nous n'avions pas capté en déboulant dans cette rue déserte, entourée de villas au luxe inouï, que nous étions "prisonniers". Heureusement un vigile nous ouvrit la grille, nous redonnant la clé de la liberté... Et cette question: d'où vient ce luxe ??? Ne murmure t'on pas ici que "derrière une grande fortune se cache beaucoup de morts..."
L'autre destination phare, c'est Chacalpuncu : des blocs étonnants posés sur l'altiplano, vers le Sajama. Des formes uniques, torturées par le vent, à perte de vue. De quoi occupé un moment le plus acharné des bloqueurs... Le rocher n'atteint pas la perfection de la voisine "valle de lasrocas" (tout de même à une dizaine d'heures de 4x4 plus au sud) mais moyennant un peu de brossage et un soupçon de recherche, on trouve quelques 5 étoiles. Pas de topo ici, nous errons au gré des rochers, simplement parce que l'envie est là. Les rires fusent, les tentatives se succèdent jusqu'à épuiser les réserves de muscles. Le feu le soir, les pâtes, la joie, dormir, petit dèj, encore grimper, jamais rassasié mais pourtant l'heure est là, de partir : le WE est fini, les enfants rentrent à la maison, comblés par ces montagnes de quelques mètres.
Comment le croire ? Dans cette ferme isolée de l'altiplano, j'écris. Les murs en adobe, le toit en chaume renvoient une agréable fraîcheur. Les oiseaux sont notre seule compagnie, les grands eucalyptus distillent leur subtil parfum. Parfois le regard quitte l'ordinateur, se perd dans le champ voisin, inondé par les pures lumières du matin. Là nous nous reposons un peu, car dans quelques jours, nous enfourcherons nos bicyclettes boliviennes pour 3 mois de "bike and climb".
Comment croire, en effet, à ce bonheur simple de nomades, de nouveau, d'être "on the road", libre. Suivre cette piste, rocailleuse, parfois enneigée, qui mène je ne sais où (et ai-je besoin de le savoir ?) : su camino, son chemin. Hasta siempre. Pour toujours.