Montagnes Reportages : Comment est née l'idée d'organiser une telle
manifestation ?
-
François
Lesca : A la base, j'avais attaqué la conception d'un topo hivernal
de la région juste avant d'être embauché chez Casamur
et je cherchais des financements pour mettre à terme ce projet.
J'ai démarché plusieurs organismes
et en gros la
tendance
c'était du style : " Vous êtes bien
gentil avec votre alpinisme en Auvergne mais on en entend jamais parler,
on ne voit jamais rien à la télévision, pour nous
c'est quasi inexistant, prouvez nous que ça existe et nous pourrons
ensuite discuter de la viabilité de votre projet ". Je me
suis donc creusé la tête pour savoir comment faire connaître
notre alpinisme et j'en ai parlé au rassemblement alpinisme FFME.
Je me suis dit alors, pourquoi ne pas créer une manifestation
ce qui pouvait justement intéresser la presse. Donc à
la base c'était un peu ce principe : faire parler de l'alpinisme
dans un tout premier temps pour réussir à avoir des financements
pour le topo.
Et de fil en aiguille, quand je me suis rendu compte que l'idée
plaisait et que pas mal de monde s'y intéressait, j'ai pensé
qu'il fallait continuer dans ce chemin.
Ce projet
de topo, où en es tu actuellement ?
- Ça
avance mais j'ai besoin d'une année entièrement vide pour
finaliser ce topo sur le terrain. Il me faut vraiment un hiver complet
pour terminer, vérifier certaines choses, finir les mesures
il y a encore beaucoup de travail !
Y a-t-il
eu des nouveautés pour l'Auver'Glace 2006 ?
-
Oui...
outre cette année la limite du nombre d'inscriptions à
120 personnes, Auver'Glace a été ouvert aux non-licenciés
grâce aux licences journalières alpinisme. Le fait d'ouvrir
à un plus large public, ça permettait d'élargir
le champ d'action, de recruter des gens, de les pousser vers les clubs,
de s'occuper aussi du coté fédéral, c'était
aussi intéressant pour nous car ça diversifiait les activités.
De plus c'est aussi une solution à la saturation des cascades.
C'est à dire
quand tu limites le nombre de participants
à 120 personnes et que tu sais que tu vas avoir par exemple 40
débutants complets, ces quarante personnes vont d'abord passer
par l'initiation crampons, elles ne seront donc pas sur les cascades
toute la matinée. Ça permet un meilleur roulement sur
les cascades en élargissant les niveaux.
Tout le monde
peut donc participer à Auver'Glace ?
-
Tout
à fait
et je vais vraiment pousser dans ce sens parce que
nous, l'Auvergne, il faut ouvrir les yeux, nous ne sommes pas les rois
de la haute difficulté en alpinisme, mais par contre nous avons
vraiment un terrain royal pour l'initiation. J'aimerai vraiment continuer
l'Auver'Glace dans cette optique découverte, initiation et perfectionnement
jusqu'à ce que la personne obtienne un niveau autonome.
Y a-t-il
une limite d'age pour l'inscription ?
- Oui
77 ans car au-dessus il faut une autorisation parentale ! Sérieusement
nous prenons les inscriptions à partir de 14 ans car c'est l'age
limite pour avoir la licence journalière alpinisme.
Qui s'est
occupé de la préparation des secteurs ?
-
En
ce qui me concerne j'ai fait un travail purement concret : creuser les
terrasses, vérifier l'équipement, installer les relais
Ensuite le PGM m'a donné un gros coup de main. Quand ils ont
su que j'allais équiper la Dore, ils ont montés les pieux
à ses pieds pendant que je donnais des cours de ski. Ils ont
commencé à me faire un bout de terrasse et ils me montaient
en scooter à droite et à gauche
donc une grosse
aide et soutien du PGM. Ça commençait tôt le matin
et finissait tard le soir !
disons qu'à partir du mercredi
soir j'ai du dormir 2 h par nuit. Le matin j'étais à 4
h sur les cascades pour pelleter. Le vendredi matin, le guide de la "fédé" est venu faire un côntrôle
des activités, il m'avait d'ailleurs auparavant
bien aidé sur ce qu'il restait à faire.
Et concernant
les pisteurs ?
-
Le
travail des pisteurs, c'était de sécuriser le massif.
Ils étaient sensés faire partir des plaques si ça
craignait et c'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait puisque le samedi matin,
ils ont lancé des mines pour la Dore. Ce sont ensuite les guides
qui ont jugé qu'il était plus raisonnable d'annuler le
secteur de cette cascade.
On sait
justement que les conditions météo ici peuvent être
assez capricieuses comme on l'a vu... N'est ce pas finalement un gros
challenge de miser une telle préparation de rassemblement sur une
seule journée, au risque de tout annuler au dernier moment ?
-
Tout
à fait ! Et ça c'est un problème que j'ai posé
avant la préparation d'Auver'Glace. Au mois d'avril, j'ai proposé
au Comité directeur plusieurs choses que j'avais en tête,
dont celle de suggérer deux dates de manifestation, en partant
du principe de se fixer avant tout sur la première date... en
se mettant un ultimatum de trois jours avant la date fatidique si jamais
les conditions météo n'étaient pas bonnes, dans
ce cas on décalait tout de deux semaines. J'ai sondé à
droite et à gauche et en fait non... c'était trop lourd
à organiser. La solution était donc de fixer une date
précise au risque de l'annuler au dernier moment... c'était
bien sûr un risque.
Maintenant
mon projet serait de faire l'Auver'Glace sur 2 jours
mais qui dit un week-end dit donc une soirée... donc plus de
travail et d'organisation car il faut aussi trouver l'hébergement
pour les participants.
L'Auvergne
traîne cette réputation de montagnes à vaches où
la qualité du rocher laisse à désirer, avec beaucoup
de préjugés... Est ce que tu vois un changement d'attitude
depuis quelques années, par des articles dans la presse spécialisée,
des reportages télés ou dans les forums de montagne ?
-
Oui,
complètement et j'espère que ça va continuer à
changer ! J'essaie de mon côté de donner du mien pour que
ça aille dans ce sens là. Il y a ici un réel potentiel
par contre, ça je tiens bien à le souligner, nous n'avons
pas pour vocation et prétention de dire que nous sommes aussi
bien que les Alpes, non... c'est carrément différent !
Il y a des choses que nous n'avons pas mais qui peuvent être des
avantages. Par exemple, nous n'avons pas cette notion d'engagement à
avoir de très grandes faces. Ici tu fais 5 minutes de marche
et tu es au-dessus des cascades. Tu peux donc concevoir la cascade de
glace à la demi-journée alors que dans les Alpes c'est
moins évident, et pour le ski de rando c'est pareil... enfin
ici, toutes les activités tu peux les faire à la demi-journée.
Et tu as en plus une marge de sécurité importante grâce
au PGM qui est juste à côté, ce qui n'empêche
pas bien sûr d'être prudent.
Le mixte
auvergnat, c'est quoi ?
- Quand
on parle de mixte dans les Alpes, c'est un mélange de neige,
glace et rocher... eh bien le mixte auvergnat, c'est tout ça
mais tu y rajoute de l'herbe !
Pour les
personnes qui ne connaissent pas le massif, quels secteurs leurs conseillerais
tu à découvrir ?
-
Ah
mise à part le Redon qui est extra quand il est en conditions...
il y a dedans des voies en mixte qui sont absolument démentes...
bon, par contre c'est vrai que c'est du rocher qui est très moyen
donc il vaut mieux y emmener des gens qui savent grimper sur ce genre
de terrain délicat mais sinon, c'est super ! Il y a également
les goulottes de l'aiguille Collangettes sous les Cabines, le secteur
Cuzeau, les Dent Bouches... fantastique pour le crampon et au niveau
panorama, il n'y a pas mieux !
As tu des
petits jardins secrets ici ?
- Oh
oui ! Notre petite site de glace secret à deux minutes de la
maison avec trente secondes de marche d'approche... et 2 h de voiture
à voiture montre en main
où tu peux te carboniser
les bras !
Y aura-t-il
un Auver'Glace 2007 ?
-
Comme
je souhaite me lancer en indépendant, j'ai d'abord besoin de
trouver du travail pour vivre puis comme je te le disais
d'une
année pour finir le topo. Donc ce sont vraiment ces deux points
qui font que je ne pourrais pas organiser le prochain Auver'Glace
mais on ne va pas laisser pour autant les piolets au garage l'an prochain,
on réfléchira à une solution... enfin ce qui est
sûr c'est que je me botterais les fesses pour faire un bel Auver'Glace
2008 avec ce projet sur un week-end.
J'en profite d'ailleurs pour remercier particulièrement Michel
Milhabet et son équipe du Comité Régional escalade,
le PGM et les collectivités locales, Olivier Legrand le gardien
du refuge du CAF, sans oublier les sponsors, Grivel , Petzl et Simond.
Un grand remerciement aussi à tous les participants qui se sont
déplacés malgré les conditions d'accès difficiles.
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