AUVER'GLACE

"... Nous ne sommes pas les rois de la haute difficulté en alpinisme, mais par contre nous avons vraiment un terrain royal pour l'initiation."

Profondément attaché au pays des volcans, François Lesca a créé en 2005 au Mont-Dore un nouveau rassemblement, Auver'Glace. Une manifestation conviviale destinée avant tout à faire connaître le potentiel de la montagne auvergnate hivernale aux curieux ou non initiés désireux de s'essayer au cramponnage, à la cascade de glace, à l'utilisation d'ARVA ou au ski de rando…
Le 28 janvier 2006 avait lieu la deuxième édition d'Auver'Glace.
Rencontre avec un mordu du pays…

> La caméra ayant eu rapidement un très gros rhume suite aux conditions climatiques, je n'ai hélas pu filmer toutes les activités de la manifestation...

Montagnes Reportages : Comment est née l'idée d'organiser une telle manifestation ?

  • François Lesca : A la base, j'avais attaqué la conception d'un topo hivernal de la région juste avant d'être embauché chez Casamur et je cherchais des financements pour mettre à terme ce projet. J'ai démarché plusieurs organismes… et en gros la tendance… c'était du style : " Vous êtes bien gentil avec votre alpinisme en Auvergne mais on en entend jamais parler, on ne voit jamais rien à la télévision, pour nous c'est quasi inexistant, prouvez nous que ça existe et nous pourrons ensuite discuter de la viabilité de votre projet ". Je me suis donc creusé la tête pour savoir comment faire connaître notre alpinisme et j'en ai parlé au rassemblement alpinisme FFME. Je me suis dit alors, pourquoi ne pas créer une manifestation… ce qui pouvait justement intéresser la presse. Donc à la base c'était un peu ce principe : faire parler de l'alpinisme dans un tout premier temps pour réussir à avoir des financements pour le topo.
    Et de fil en aiguille, quand je me suis rendu compte que l'idée plaisait et que pas mal de monde s'y intéressait, j'ai pensé qu'il fallait continuer dans ce chemin.

Ce projet de topo, où en es tu actuellement ?

  • Ça avance mais j'ai besoin d'une année entièrement vide pour finaliser ce topo sur le terrain. Il me faut vraiment un hiver complet pour terminer, vérifier certaines choses, finir les mesures… il y a encore beaucoup de travail !

Y a-t-il eu des nouveautés pour l'Auver'Glace 2006 ?

  • Oui... outre cette année la limite du nombre d'inscriptions à 120 personnes, Auver'Glace a été ouvert aux non-licenciés grâce aux licences journalières alpinisme. Le fait d'ouvrir à un plus large public, ça permettait d'élargir le champ d'action, de recruter des gens, de les pousser vers les clubs, de s'occuper aussi du coté fédéral, c'était aussi intéressant pour nous car ça diversifiait les activités. De plus c'est aussi une solution à la saturation des cascades. C'est à dire… quand tu limites le nombre de participants à 120 personnes et que tu sais que tu vas avoir par exemple 40 débutants complets, ces quarante personnes vont d'abord passer par l'initiation crampons, elles ne seront donc pas sur les cascades toute la matinée. Ça permet un meilleur roulement sur les cascades en élargissant les niveaux.

Tout le monde peut donc participer à Auver'Glace ?

  • Tout à fait… et je vais vraiment pousser dans ce sens parce que nous, l'Auvergne, il faut ouvrir les yeux, nous ne sommes pas les rois de la haute difficulté en alpinisme, mais par contre nous avons vraiment un terrain royal pour l'initiation. J'aimerai vraiment continuer l'Auver'Glace dans cette optique découverte, initiation et perfectionnement jusqu'à ce que la personne obtienne un niveau autonome.

Y a-t-il une limite d'age pour l'inscription ?

  • Oui… 77 ans car au-dessus il faut une autorisation parentale ! Sérieusement nous prenons les inscriptions à partir de 14 ans car c'est l'age limite pour avoir la licence journalière alpinisme.

Qui s'est occupé de la préparation des secteurs ?

  • En ce qui me concerne j'ai fait un travail purement concret : creuser les terrasses, vérifier l'équipement, installer les relais… Ensuite le PGM m'a donné un gros coup de main. Quand ils ont su que j'allais équiper la Dore, ils ont montés les pieux à ses pieds pendant que je donnais des cours de ski. Ils ont commencé à me faire un bout de terrasse et ils me montaient en scooter à droite et à gauche… donc une grosse aide et soutien du PGM. Ça commençait tôt le matin et finissait tard le soir !… disons qu'à partir du mercredi soir j'ai du dormir 2 h par nuit. Le matin j'étais à 4 h sur les cascades pour pelleter. Le vendredi matin, le guide de la "fédé" est venu faire un côntrôle des activités, il m'avait d'ailleurs auparavant bien aidé sur ce qu'il restait à faire.

Et concernant les pisteurs ?

  • Le travail des pisteurs, c'était de sécuriser le massif. Ils étaient sensés faire partir des plaques si ça craignait et c'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait puisque le samedi matin, ils ont lancé des mines pour la Dore. Ce sont ensuite les guides qui ont jugé qu'il était plus raisonnable d'annuler le secteur de cette cascade.

On sait justement que les conditions météo ici peuvent être assez capricieuses comme on l'a vu... N'est ce pas finalement un gros challenge de miser une telle préparation de rassemblement sur une seule journée, au risque de tout annuler au dernier moment ?

  • Tout à fait ! Et ça c'est un problème que j'ai posé avant la préparation d'Auver'Glace. Au mois d'avril, j'ai proposé au Comité directeur plusieurs choses que j'avais en tête, dont celle de suggérer deux dates de manifestation, en partant du principe de se fixer avant tout sur la première date... en se mettant un ultimatum de trois jours avant la date fatidique si jamais les conditions météo n'étaient pas bonnes, dans ce cas on décalait tout de deux semaines. J'ai sondé à droite et à gauche et en fait non... c'était trop lourd à organiser. La solution était donc de fixer une date précise au risque de l'annuler au dernier moment... c'était bien sûr un risque.
    Maintenant… mon projet serait de faire l'Auver'Glace sur 2 jours… mais qui dit un week-end dit donc une soirée... donc plus de travail et d'organisation car il faut aussi trouver l'hébergement pour les participants.

L'Auvergne traîne cette réputation de montagnes à vaches où la qualité du rocher laisse à désirer, avec beaucoup de préjugés... Est ce que tu vois un changement d'attitude depuis quelques années, par des articles dans la presse spécialisée, des reportages télés ou dans les forums de montagne ?

  • Oui, complètement et j'espère que ça va continuer à changer ! J'essaie de mon côté de donner du mien pour que ça aille dans ce sens là. Il y a ici un réel potentiel par contre, ça je tiens bien à le souligner, nous n'avons pas pour vocation et prétention de dire que nous sommes aussi bien que les Alpes, non... c'est carrément différent ! Il y a des choses que nous n'avons pas mais qui peuvent être des avantages. Par exemple, nous n'avons pas cette notion d'engagement à avoir de très grandes faces. Ici tu fais 5 minutes de marche et tu es au-dessus des cascades. Tu peux donc concevoir la cascade de glace à la demi-journée alors que dans les Alpes c'est moins évident, et pour le ski de rando c'est pareil... enfin ici, toutes les activités tu peux les faire à la demi-journée. Et tu as en plus une marge de sécurité importante grâce au PGM qui est juste à côté, ce qui n'empêche pas bien sûr d'être prudent.

Le mixte auvergnat, c'est quoi ?

  • Quand on parle de mixte dans les Alpes, c'est un mélange de neige, glace et rocher... eh bien le mixte auvergnat, c'est tout ça mais tu y rajoute de l'herbe !

Pour les personnes qui ne connaissent pas le massif, quels secteurs leurs conseillerais tu à découvrir ?

  • Ah… mise à part le Redon qui est extra quand il est en conditions... il y a dedans des voies en mixte qui sont absolument démentes... bon, par contre c'est vrai que c'est du rocher qui est très moyen donc il vaut mieux y emmener des gens qui savent grimper sur ce genre de terrain délicat mais sinon, c'est super ! Il y a également les goulottes de l'aiguille Collangettes sous les Cabines, le secteur Cuzeau, les Dent Bouches... fantastique pour le crampon et au niveau panorama, il n'y a pas mieux !

As tu des petits jardins secrets ici ?

  • Oh oui ! Notre petite site de glace secret à deux minutes de la maison avec trente secondes de marche d'approche... et 2 h de voiture à voiture montre en main… où tu peux te carboniser les bras !

Y aura-t-il un Auver'Glace 2007 ?

  • Comme je souhaite me lancer en indépendant, j'ai d'abord besoin de trouver du travail pour vivre puis comme je te le disais… d'une année pour finir le topo. Donc ce sont vraiment ces deux points qui font que je ne pourrais pas organiser le prochain Auver'Glace… mais on ne va pas laisser pour autant les piolets au garage l'an prochain, on réfléchira à une solution... enfin ce qui est sûr c'est que je me botterais les fesses pour faire un bel Auver'Glace 2008 avec ce projet sur un week-end.
    J'en profite d'ailleurs pour remercier particulièrement Michel Milhabet et son équipe du Comité Régional escalade, le PGM et les collectivités locales, Olivier Legrand le gardien du refuge du CAF, sans oublier les sponsors, Grivel , Petzl et Simond. Un grand remerciement aussi à tous les participants qui se sont déplacés malgré les conditions d'accès difficiles.
© Yannick Michelat. Tous droits réservés. All rights reserved